La campagne aux abords des banlieues de Bruxelles offre un étrange cocon à l'isolement ravi de ses habitants : jusqu'aux enterrements, les habitudes ramène une bonne humeur toujours festive et bienveillante. Pourtant, Julia sait maintenant combien tout cela ne lui correspond plus. Oscar van den Boogard, jeune auteur néerlandais raconte l'ennui des Flandres et, à travers *Pollen*, y déniche
l'irrégulière liberté d'une femme
en proie aux doutes autant qu'à l'envie.
La campagne est pesante. Le rythme est lent. Derrière le calme auréolé de confort, la promiscuité tue les élans. Les aventures se détournent par les sous-bois, dans l'humidité fraîche et désolée des solitudes silencieuses. Oscar van den Boogaard a
l'art là de dépayser la proximité
avec tendresse et finesse, tout en y laissant planer la chape des regrets sur l'horizon de vies inabouties. Et d'y extraire un personnage aussi précieux que rare dans la taupinière : Julia cherche. Quelque chose. Quelque chose d'autre. Sans oser se déraciner, elle cherche. Un ailleurs peut-être. Les errances de cette femme – épouse et mère – nous emportent sans faillir, une voracité légère de lecture dès les premiers regards posés, et son évanescence a la douceur blanche de la Julia de John Lennon :
Half of what i say is meaningless
Il y a ce soudain achat, longuement réfléchi et pourtant si convulsif, de pollen rare.
Le premier éclat.
Le voyage se prépare, se précise. Les petites étapes dénouent sensuellement les éveils que l'héroïne affrontent. Le Brésil, les plages de Rio de Janeiro viennent soudain réchauffer l'atmosphère. Plonger Julia sous le soleil, lumineux, nouveau. Les rencontres sont son dépaysement, les portes sur ce qu'elle n'ose se dire.
Il y a une langue. Honnête. Pleine de doutes. Des tâtonnements sous la grisaille. Les lueurs fragiles, presque de frêles éclairs, d'une accalmie. Il y a l'austérité recluse du petit village, entre confort et désespoir. Puis il y a la richesse luxueuse et mordorée de l'échappée tropicale. Les non-dits de sensualité, les regards de désirs chargés, où l'espoir renaît, pas d'un sens à l'existence, mais
d'une évidence de la liberté,
aussi artificielle puisse-t-elle paraître sous les rires et les caresses.
Où la vie bruisse, tremble, frémit, réchauffe, emplit.
Pollen honore la promesse de ses fécondations.
Celles d'un roman, témoin de son époque et relais de ses doutes, promesse de réflexion autant que d'aventure, divertissement de précision à l'âme. Celles d'un personnage, fort sous l'apparente fragilité, qui sait nous emmener en ses méandres existentiels et faire écho à nos propres interrogations voraces, incessantes, et nous guider vers quelques options, quelques pistes. Celles d'un auteur, jeune, qui développe une prose tour à tour lente, grise et brumeuse, avant d'y réchauffer de couleurs et de rires l'épisode central d'un accomplissement discret de soi. Aussi discret que le pollen qui ensemence aux printemps les champs, aussi subtil que son effluve
le temps d'un envol fécond,
aussi sage que l'éphémère puisse l'être. Où le retour saisonnier du soleil promet le ciel bleu, étalé et serein.