Alexandre Del Valle a publié en 2014 un essai intitulé Pour en finir avec le complexe occidental dans lequel il recherche les causes d'une dépression collective de l'Occident, analysant le syndrome de culpabilité collective et le “politiquement correct“ qui les affectent.
Un ouvrage documenté
Selon l'auteur, la population française cultiverait un masochisme expiatoire, issu des souvenirs de l'esclavage et de la colonisation. Celui ci serait encouragé à la fois par nos politiques (depuis Jacques Chirac et son discours sur la repentance), certaines associations et partis politiques.
Si Alexandre Del Valle est un peu insistant dans sa défense d'un Occident Judéo chrétien, la force de son livre réside incontestablement dans le nombre important de sources documentées qu'il détaille au service de sa réflexion, souvent critique vis à vis des détracteurs de l'Occident. Sur le plan géopolitique, il plaide par exemple pour une prise de distance avec les monarchies arabes pour incompatibilité politique et religieuse et un rapprochement avec la Russie, avec laquelle l'Europe partage le même terreau civilisationnel.
Contrairement à ce qu'affirment, entre autres, Aissa Traoré, Lilian Thuram et Laurent Joffrin, l'auteur rappelle que l'esclavage n'est pas l'apanage de l'homme occidental. De nombreuses razzias ont eu lieu pendant la période d'El Andalus (711-1492) par les conquérants arabes avec des déportations massives de populations mises en esclavage. Et que dire de l'esclavage sous l'Empire Ottoman...Ce rappel historique prend toute sa valeur à l'heure où des statues sont déboulonnées un peu partout, racialisme et révisionnisme se substituant de plus en plus à l'Histoire....
J'ai beaucoup apprécié l'explication tenant à la "culpabilité" de l'homme occidental, qui trouverait sa source dans le pêché originel tiré de la Bible, une particularité (et un frein...) qui n'existe pas dans d'autres ouvrages religieux monothéistes comme le Coran.
De même, Del Valle rappelle que l'apport civilisationnel mis en avant par les promoteurs de la conquête musulmane considérée comme très brillante doit beaucoup, entre autres, à ses nombreux "emprunts" aux Perses et autres apports de la civilisation Antique Grecque.
Sur le plan migratoire, il défend l'approche canadienne, basée sur une immigration sélective d'individus déjà formés pour accéder au marché du travail du pays d'accueil plutôt qu'une immigration non sélective et le droit du sol choisi par la France depuis la Révolution française ....et de moins en moins de pays européens.
Enfin, les pages concernant les choix économiques erronés (Développement à outrance du secteur tertiaire au détriment du maintien de l'industrie, Euro fort à tout prix pour satisfaire le dogme allemand..) et l'absence d'âme de l'Europe résonnent particuliérement à l'heure où l'Union européenne tangue dangereusement pour des raisons économiques et migratoires.
Pour en finir avec le complexe occidental est un ouvrage intéressant dont je ne partage pas certains points de vue...
L'auteur est en revanche moins convaincant quand il rappelle que les valeurs chrétiennes de l'Occident sont universelles et que tout ne se vaut pas. A l'aune des différentes interventions françaises dans différents coins du monde pour des raisons "humanitaires" (Rwanda en 1994...) ou "prétendument humanistes"(Lybie en 2011...), poussées par les "donneurs de leçons médiatisés" comme B.H.L ou Bernard Kouchner, force est de constater que les "retours de bâton" lorsqu'il y a ingérence dans les affaires d'un autre Etat souverain sont parfois bien mal anticipés et qu'on les paie, hélas, bien longtemps. La plus colossale de ces bévues demeure l'intervention américaine en Irak de 2003 qui démontre, une fois encore, qu'un pays sans Histoire n'a pas vraiment la maturité pour prendre le leadership mondial.
Pragmatique, je suis partisan, pour ma part, de "l'indifférence du chat"....
J'ai un autre point de désaccord avec Alexandre del Valle. Cette divergence concerne son opinion critique des "déclinophiles", considérant ces derniers comme participant à cette grande dépression. Je considère pour ma part que l'histoire se répète et que l'Occident se situe juste avant la chute, comme Rome il y a deux mille ans.
Le centre économique du monde s'est déplacé irrésistiblement vers l'Asie, le football a remplacé "les jeux du cirque" comme passe temps dans la société contemporaine des loisirs (La coupe du monde est fortement médiatisée. En cas de victoire, les pouvoirs publics espèrent consolider la fierté d'être français (sic!) ainsi qu'une relance de la consommation, voire de la natalité...) les paramètres économiques sont mauvais (Chômage de masse, endettement colossal...), l'Etat, l'éducation nationale et la famille sont en faillite. La crise du Covid qui frappe le monde entier rendant l'avenir encore plus incertain risque de ne rien arranger...
Au vu de ce tableau, reconnaitre le déclin comme inévitable n'est pas être "déclinophile" mais lucide.
Si Alexandre Del Valle croit au sursaut, pas moi...
Il n'est pas question ici de dérouler l'ensemble des nombreuses thématiques développées dans l'ouvrage dans un petit résumé qui n'en a pas la prétention. Les apports pertinents de l'ouvrage sur le plan de la culture générale ne manqueront pas de jouer le rôle de "poil à gratter" auprès des partisans de la repentance et du "Politiquement correct", très souvent défendus sur les plateaux des "Talk" du PAF (C a vous...) par des "journalistes" comme Ali Baddou ou J.M Apathie.
Pour conclure, le complexe occidental se situe dans la mouvance de l'ouvrage de Pascal Bruckner sur la repentance (La tyrannie de la pénitence) mais il est, à mon avis, bien plus intéressant et documenté.
Mais toute ombre, en dernier lieu, est pourtant aussi fille de la lumière et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence a vraiment vécu(Stefan Zweig)
Ma note: 8/10