Ce qu'il advint du sauvage blanc, prix Goncourt du premier roman, a révélé le talent singulier de François Garde, dans un domaine pas si fréquenté que cela, le roman d'aventures mâtiné de sagesse philosophique et de quête identitaire. Avec Pour trois couronnes, l'auteur renouvelle sa mise, avec un bonheur certain. Le livre parait certes moins original que son précédent mais n'est-ce pas simplement parce que l'effet de surprise ne joue plus ? Le roman débute avec un mystère et l'on croit s'embarquer pour un thriller au long cours. Oui, mais non. S'il y a bien enquête, à la recherche d'un possible enfant caché, en des terres tropicales et exotiques, qui plus est, Garde prend son temps, il n'est pas un auteur de l'urgence, tire le portrait de nombreux personnages secondaires, s'autorise des digressions, bref, il vagabonde quelque peu, dans un style coulé et une érudition jamais prise en défaut. Mais il ne perd pas pour autant de vue le secret initial qui lui permet d'évoquer une myriade de thèmes adjacents : la filiation, l'identité, la réussite ou l'échec d'une vie, le hasard et la nécessité, les effets de la décolonisation, l'émollient climat des contrées équatoriales, le venin des rumeurs dans un microcosme ilien. On en passe et des meilleurs. Plutôt que de caracoler comme dans un polar basique, Pour trois couronnes est aussi un espace de méditation avec son alternance de moments de révélations et de réflexions plus ou moins philosophiques. Et tout cela donne un excellent roman mené avec brio et délectation.