Les lecteurs de Quand les colombes disparurent vont se diviser en deux catégories : ceux qui ont découvert Sofi Oksanen avec Purge (et éventuellement poursuivi avec Les vaches de Staline) et ceux qui ne connaissent pas encore la romancière finlandaise. Pour les premiers, ce nouvel opus sera familier. Toujours une construction complexe, d'une époque à une autre, toujours le thème de l'Estonie, pays balloté par l'Histoire et martyrisé, toujours ces secrets enfouis, ce passé qui resurgit bien des années après. Le principal écueil de Quand les colombes disparurent est de trop rappeler Purge. Certes, l'intrigue est différente et ce sont des hommes qui cette fois ont le premier rôle mais la comparaison est inévitable. Et il n'y a plus l'excitation des premières fois. Le livre charrie moins d'émotion, hormis peut-être pour le personnage de Juudit, très beau personnage de femme amoureuse, et sa richesse étouffante de détails historiques provoque parfois une certaine lassitude. Sans vouloir prétendre donner de conseils à Sofi Oksanen, élaguer un bon quart de son roman lui aurait donné un tout autre rythme, une tension bien plus palpable. Reste que la figure d'Edgar, prototype de l'opportuniste, qui collabore sans états d'âme avec les puissants et maquille son parcours avec un soin maniaque, est proprement fascinant. En dépit de l'intérêt de ses thèmes, on aimerait beaucoup que l'auteure écrive à l'avenir sur d'autres sujets. Juste pour vérifier qu'elle est bien une grande romancière au style et à la puissance d'évocation impressionnantes.