Une bonne vue d’ensemble des diverses questions soulevées par les progrès de la médecine et de la biologie. L’ouvrage est accessible, non-jargonneux, et non polémique, l’auteur cherchant à trouver un équilibre entre progrès technique et maintien de limites éthiques, entre science et valeurs, bien qu’il lui arrive de prendre clairement position sur certains sujets, en général davantage en faveur des limites que de leur transgression, notamment sur la question du transhumanisme et des nouvelles techniques d’aide à la procréation.
Cet équilibre que l’ouvrage cherche à trouver implique malheureusement un niveau de précision assez limité dans les tentatives de réponse apportées aux questions soulevées. L’auteur se contente trop souvent d’en appeler à la dignité humaine et à l’exigence d’un questionnement opéré par la conscience humaine. On trouve ainsi régulièrement ce genre de phrases passe-partout :
«Il me semble donc que pour ne rien céder aux techno-prophètes, il faut se méfier des idéologies clandestines qui s’accrochent toujours aux progrès, l’essentiel étant d’oeuvrer pour donner - redonner ? - du sens à la vie, redéfinir la notion d’idéal humain, rappeler les valeurs qui nous élèvent.» (p. 141-142)
De nombreux philosophes sont mentionnés, mais souvent de manière vague, à travers les aspects les plus connus (et aussi les plus réduits) de leur doctrine. La connaissance qu’en a l’auteur semble être de seconde main. Comment peut-il en être autrement lorsqu’il lui arrive de citer, en une page et demi, une quinzaine d’auteurs : Parménide, Héraclite, Prométhée, Gilgamesh, Pic de La Mirandole, Francis Bacon, Pascal, Rousseau, Nietzsche, Trotsky, Haldane, Bernal, Orson Welles, et Julian Huxley ? (p. 127-128).
Cette lecture trop rapide des philosophes cités conduit à des étrangetés, comme Protagoras dont le relativisme met paradoxalement en avant l’idée de dignité et d’absence de prix de l’homme, ou l’utilitarisme qui en mettant l’accent sur les devoirs envers autrui aurait menacé le lien social. On note une naïveté presque touchante lorque l’on lit l’auteur parler de «destin de l’homme» ou de «loi naturelle» en ignorant manifestement ce que ces expressions impliquent.
L’auteur n’est donc clairement pas un spécialiste de l’histoire de la philosophie, mais dispose malgré tout d’une bonne connaissance des questions abordées sur le plan scientifique et juridique. Le plus intéressant dans l’ouvrage reste son évocation des situations-limites, où le progrès technique conduit les tribunaux et les Etats à légiférer en fonction d’une nouvelle conception du droit. En fonction des chapitres, le contenu du livre peut être plutôt descriptif (par exemple sur les thérapies géniques, où il est globalement simplement fait part de l’état des techniques existantes) ou plutôt argumentatif (comme c’est le cas dans le chapitre 8 «jusqu’où naître autrement ?», sans doute le mieux argumenté de l’ouvrage).
Certes un peu répétitif, l’ouvrage reste une bonne recommandation à adresser à des lecteurs de bonne foi désireux de découvrir les enjeux de la bioéthique et de l’éthique médicale.