Jean Hougron est envoyé en Indochine juste après la guerre par son employeur, une maison d'Import-Export. Mais arrivé à Saïgon, son désir d'aventure le fait quitter son emploi pour devenir chauffeur de camion et aussi exercer mille métiers.
De ce séjour qui dure environ cinq années, il tirera un cycle de romans, la "Nuit Indochinoise" dont "Rage blanche" est le deuxième roman écrit en 1951 après "Tu récolteras la tempête".
Dans "Rage Blanche", un fermier-éleveur, Legorn, après avoir subi une attaque Vietminh où son épouse et son fils trouvent la mort et lui-même de graves blessures, comprend que l'attaque a, en fait, été commanditée par un fermier voisin avec lequel il a eu rencontré de nombreux problèmes. Complètement détruit , Legorn se reconstruit peu à peu mais avec l'objectif de retourner en métropole après avoir réglé ses affaires et surtout ses comptes.
Dans ce roman, Hougron nous fait découvrir le personnage de Legorn peu à peu en faisant remonter les souvenirs à la surface. D'origine bretonne, Legorn est à l'image de ces paysans opiniâtres, travailleurs et surtout taiseux. Arrivé sans le sou dans cette Vallée Noire du Haut-Laos, il construit une ferme, à force d'acharnement et de travail, réussit à acclimater des vaches laitières ce que personne n'avait encore réussi. Bref il avait réussi son affaire. D'où cette rage - froide - qui ne le quitte plus où il construit sa vengeance pas à pas et finit par rendre coup pour coup.
Hougron replace cette histoire dans un contexte où l'Indochine coloniale commence à se déliter et où les différentes couches de la population se côtoient, s'interpénètrent, s'observent et se haïssent. D'un côté, il y a les Laotiens , de l'autre les Français. Mais entre les deux, ils y a ceux qui sont métissés et qui ne trouvent leur place ni chez les uns, ni chez les autres. Le talent de Hougron est de nous faire vivre de façon convaincante toutes ces rancœurs et ces frustrations qui animent et expliquent les attitudes et les comportements des uns et des autres.
Le livre peut se lire comme un thriller car Legorn est engagé dans une lutte vis-à-vis des créanciers d'une part, des malfaisants d'autre part.
Le style de Hougron est agréable à lire et empreint d'un grand réalisme. On y sent une connaissance profonde de Hougron pour cette Indochine qu'il a appris à aimer.
Après avoir réussi à faire ressentir au lecteur de l'empathie et de la solidarité pour son héros, Hougron construit son roman en y installant un suspense haletant jusqu'au dénouement.