Il s'agit ici du roman d'Auguste Le Breton qui sera fidèlement adapté par Henri Decoin en 1955 dans un film pour lequel j'ai déjà écrit une note sur SC.
Un petit mot sur Auguste Le Breton qui est un personnage haut en couleur. Orphelin d'origine bretonne, il passera son enfance entre placement en ferme, évasions puis Centres d'éducation. Son prénom Auguste parce que son père était clown. Son nom Le Breton car c'est comme ça que ses potes (pas toujours très recommandables) de la banlieue parisienne le nommaient. C'est un auteur prolifique de polars dont une spécificité est qu'ils sont écrits dans un argot assez fleuri. Il fut un auteur vedette de la Série Noire avec "du rififi chez les hommes" – n° 185, "razzia sur la Chnouf – n°193 et "le rouge est mis" – n°213 qui tous les trois furent adaptés au cinéma.
Ah oui, il serait l'homme qui a inventé le mot "rififi" qui fera florès.
Pour revenir au roman, on peut dire que Le Breton y montre un profond dégout pour les gens à la tête de ces trafics de drogue qui recouvrent les commerces illicites de noir (opium), de blanche (héroïne) ou de coke, destinés à des publics différents, recouvrant l'ensemble de la société. On sent une empathie certaine pour les victimes de ces organisations condamnées à la double peine, trouver leurs doses quotidiennes et assurer la distribution. Le roman se veut d'ailleurs démonstratif, chiffres (de 1954) à l'appui pour décrire les enjeux de ces trafics.
En cela, ce roman se distingue des polars de la série des "rififi" où Le Breton marque une certaine tendresse voire une complaisance pour le voyou "classique", le casseur de coffiots, par exemple. Et il n'est pas rare dans ces romans-là de sourire. Ici, c'est complètement différent. Le monde est différent. Noir. L'organisation (internationale, ramifiée et très cloisonnée) est impitoyable pour qui s'écarte d'un chouïa de la règle. Il n'y a qu'une seule façon de quitter l'Organisation, c'est les pieds devant. La retraite pour bons et loyaux services, ça n'existe pas. La nana camée au dernier degré, soupçonnée de diluer les doses pour en récupérer un peu pour sa propre addiction, est menacée d'être enfermée et privée, histoire de lui apprendre les bonnes manières.
J'ai dit plus haut que le film de Decoin était fidèle. Oui, c'est vrai en plus soft. D'ailleurs, je m'interroge si ce roman, paru en 1954, n'est pas un peu novateur sur la problématique des drogues dures et de leurs dégâts sociétaux.
Roman noir, brut de fonderie, qui dévoile un monde effrayant et sans concession.