"Raboliot" était le roman d'un personnage épris de liberté dans les forêt solognotes. "Rémi des Rauches" est aussi un homme épris de liberté et qui ne connait la plénitude que lorsqu'il est au contact de la Loire, un fleuve magique.
On reconnait la sensibilité lyrique de Genevoix envers ses héros dont le destin n'est ni l'argent, ni le travail ni le confort, ni, au fond, la vie de famille mais ici, de vivre au contact d'un fleuve grand, fort et beau mais aussi capricieux.
Rémi passerait bien son temps à pécher l'alose ou le saumon, à flâner le long des rauches, sorte de roseaux qui poussent les pieds dans l'eau le long de la Loire. Et lorsque la Loire gronde, déborde et inonde tout, il est en première ligne avec son bachot pour aller secourir les gens isolés dans leurs maisons et en particulier la famille de Bertille.
Mais voilà que Bertille, belle jeune fille attire Rémi dans ses filets depuis quelque temps. Comme dit Genevoix dans une expression complètement désuète mais que j'adore, Ce fut cinq jours après (la fin de l'inondation) qu'ils se promirent, ...
Mais le mode de vie nonchalant adopté par Rémi ne convient pas à Bertille qui est attirée par la ville (Orléans) à quelque lieues de là et par une vie plus confortable. Bertille va alors manœuvrer pour éloigner Rémi de sa rivale, la Loire. Rémi va suivre car il aime Bertille et que c'est quand même la voix de la raison. Mais il perdra une dimension. Et toutes les occasions seront bonnes pour retourner dans ses rauches.
Comme d'habitude, Genevoix décrit avec une grande minutie et beaucoup de réalisme les techniques de pêche, les difficultés et les façons de faire. Les comportements des pêcheurs, des petites gens, pourrait-on dire, sont analysés avec le plus grand respect.
On sent que Genevoix aime les personnages qu'il met en scène et c'est un plaisir de lire la relation qui s'établit entre Rémi et le père Jude, espèce d'homme solitaire, échappé de la civilisation qui vit dans une cabane au plus près du fleuve avec ses trois chats. Considéré par la population (dont Bertille) comme une sorte de sorcier en osmose avec la Loire, Rémi entretient avec lui une relation fascinée quasi filiale.
Genevoix aime tous les personnages dont bien sûr le personnage central, la Loire qu'il décrit par tous les temps et dont il ne cesse de le considérer comme un personnage nourricier dont les colères et les inondations sont bénéfiques au long cours.
Mais Genevoix aime aussi Bertille dont il aurait pu faire un tableau peu enthousiasmant, voire pire. On sent qu'il ne passe pas loin de lui faire un destin négatif. Mais non, Genevoix voit clair en elle. Mais non, il en restera à une version positive, celle de la Raison dont Rémi a aussi besoin.