« Je me suicide à cause de mon travail. À cause de. Origine, fondement, raison, motif. »
Celui qu’on appelle le « nouveau », ou encore « Éric », prénom qu’il a du choisir selon les conventions de l’entreprise, fait son premier jour en tant que téléopérateur. À cinquante ans, lui qui était électricien, a été forcé à se reconvertir dans une entreprise encore plus loin de son domicile. C’était téléopérateur ou chômeur.
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Le Retour aux mots sauvages, c’est le téléopérateur, esclave moderne dont chaque phrase est dictée par un protocole précis, qui tente d’exister malgré son travail. Répétitif, insupportable, déshumanisant à l’extrême, le métier de téléopérateur est un des derniers que le libéralisme n’a pas encore réussi à supprimer à coup de technologies ultra novatrices et révolutionnaires. Chaque jour, les téléopérateurs interchangeables subissent l’agressivité des clients mécontents et des managers qui attendent des objectifs de rentabilité ; ils vivent dans la peur et dans l’angoisse.
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Le malaise au travail est une composante de plus en plus banale avec laquelle l’être humain devrait s’accommoder. Travailler, c’est souffrir ; jusqu’à la dépression, jusqu’au suicide. Dans Retour aux mots sauvages, Thierry Beinstingel dénonce le voyeurisme des médias et la violence des clients harceleurs après une vague de suicides dans la télécommunication (on en parle moins, mais il y en a toujours).
[...]Face au malaise de plus en plus flagrant, la réponse managériale est une injonction au bonheur, avec ce positivisme factice qui fait gerber : soyez heureux de travailler pour nous, nous travaillons dans la bonne humeur, nous sommes réunis sous les mêmes valeurs ! S’il épouse l’entreprise à coups de « culture d’entreprise », il sera moins enclin à se retourner contre son employer ou à se suicider. Tous les petits rituels sont bons pour créer cette fausse convivialité, qui n’a pour seul but que de faire augmenter la productivité et avaler la dure pilule au travailleur : tu travailleras dur, longtemps et pour un salaire de misère !
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