On ne sait pas vraiment quand cela a commencé. Peut-être quand sa mère les a quitté son père et lui, peut-être pour tromper l’ennui des journées d’été solitaires dans la cité… Ce qui est certain c’est que Malik ne s’est pas radicalisé en Syrie, ni même en prison puisqu’il n’est pas même musulman. C’est un point sur lequel il insiste, car il ne faudrait pas croire qu’il compte faire exploser la bombe qu’il a fabriqué pour une idéologie religieuse en laquelle il ne croit pas.
Rien nous appartient est le récit que nous fait Malik de son existence chaotique dans un monde qui ne lui ressemble pas, un monde inégalitaire dans lequel il ne trouve pas sa place. Intelligent, il est bon élève et a la chance de pouvoir envisager des études, contrairement à ses amis. Mais a-t-il vraiment envie d’étudier ? Epris de liberté et de grands espaces, il rêve de nature et de chien, à l’image des héros de Jack London et de son roman préféré L’appel de la forêt. Quand enfin il pense avoir trouvé son chemin, le monde se met en pause ; comme un fait exprès, la pandémie du coronavirus vient l’enfermer et restreindre ses libertés, un peu plus, achevant ses rêves et ses espoirs dans monde plus juste.
Guillaume Guéraud signe un titre percutant écrit dans un langage de la cité assez cru qui donne vie à un personnage déterminé mais surtout blessé par la vie. Son héros bouillonne d’une colère emprunte de révolte sociale forte et d’un désir puissant de gommer les inégalités qui sévissent dans nos sociétés modernes. Parfois décousu, le discours de Malik nous raconte sa famille, ses amis, son amour, ses larcins avec la sincérité d’un être au bord du gouffre qui sait qu’il va commettre un acte irréversible.
Rien nous appartient est une critique de notre société qui laisse de trop nombreuses personnes sur la touche. Pourtant, l’auteur met en place des personnes prêtes à tout pour aider les jeunes à se réintégrer. Cela soulève la question de l’accompagnement et de la prise en charge des personnes en situations d’échec ou de fracture sociale. Prenant la forme d’un testament, le texte se veut être l’histoire d’un adolescent ordinaire que ses origines stigmatisent et pourraient enfermer dans un rôle qui n’est pas le sien. Victimeest la victime de la société et de ses règles, Malik est aussi victime de ses propres choix car, même s’il est désintéressé et ne veut que changer le monde en faisant bouger les choses, il ne le fait pas toujours de la meilleur façon. Un roman coup de poing à découvrir.
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