Lavage de cerveau.
J'avais beaucoup aimé le dernier livre de Lola Lafon: "la petite communiste qui ne souriait jamais", roman inspiré de l'histoire de la gymnaste prodige Nadia Comaneci. J'ai aussi beaucoup aimé le...
Par
le 26 août 2017
6 j'aime
C'est ce que disait Jonathan Franzen en 2004...
Alice Munro a-t-elle plus de chance d'être lue depuis qu'elle est prix Nobel (en 2013, à 82 ans)? Peut-être. A mon sens, elle le mérite.
En tout cas, je viens de découvrir celle qu'on appelle "la reine de la nouvelle", par la lecture de "Rien que la vie".
C'est vrai, la nouvelle est un genre littéraire moins apprécié que le roman. Moi-même, je lis des nouvelles, mais parfois, lire un recueil de nouvelles me lasse. Il faudrait peut-être, comme lorsqu'on déguste des bonbons chers et délicieux, savoir se limiter, et ne pas"consommer" tout d'un coup.
"La prose d'Alice Munro est modeste, tenue, efficace. Il faut la lire entre les lignes". C'est ce qu'a dit Eric Neuhoff. Je partage ce point de vue.
Je ne vais pas faire la critique des 14 nouvelles contenues dans "Rien que la vie". Je vais en choisir une, particulièrement émouvante, tragique: "La gravière", texte de 18 pages.
Une mère, très indépendante et libre, un peu bohème, se sépare de son mari, quitte sa maison, et va vivre avec ses deux filles dans un mobile-home, près d'une gravière.
Elle s'est amourachée d'un homme plus ou moins comédien, Neal, avec lequel elle va avoir un petit garçon.
L'une des deux filles est celle qui raconte l'histoire (elle a 14 ans) et sa soeur, Caro, a 9 ans. Elles dorment dans la même chambre, dans un lit superposé. Les deux soeurs s'entendent bien et parlent souvent ensemble. Caro est aussi très attachée à sa chienne Blitzee. Elle l'emmène parfois, en cachette, dissimulée sous son manteau, pour retourner voir la maison où elle vivait avant. L'auteur suggère cet attachement au passé sans s'y appesantir, mais c'est déjà une clé qui permettra, sans doute, de comprendre mieux le drame à venir.
Cette fameuse gravière, profonde de 5 à 6 m, est remplie, au moment du récit, de neige fondue. Les soeurs discutent pour savoir si la chienne sait nager (comme l'affirme Neal) et pourrait remonter seule si elle y tombait...
Un jour, Caro lance Blitzee dans la gravière et se jette à l'eau pour la sauver. Mais elle est vêtue de ses habits d'hiver, ne sait sans doute pas très bien nager, et se noie. Il semble que personne ne soit intervenu à temps.
Le drame est raconté très sobrement, comme si c'était un rêve, mais qui, finalement, devait arriver.
Toute la qualité littéraire tient dans ce procédé narratif: On apprend les choses parfois a posteriori (ici lorsque la soeur survivante rencontrera un psychiatre et évoque des détails du déroulement du drame). Mais ce qui précède rend aussi possible, sans que ce soit inéluctable, ce qui va arriver.
Alice Munro décrit une ambiance où le tragique de la vie côtoie le quotidien et une sorte de fatalisme nonchalant.
Les femmes, les mères, sont mises en avant. Ce sont des personnages libres et indépendants. Les sentiments sont présents, mais les ruptures arrivent, nécessairement. Les enfants s'adaptent, souvent avec bonheur (toutes les nouvelles ne sont pas aussi tragiques que "la gravière").
Je ne suis pas Franzen, mais je le dis: lisez au moins quelques nouvelles de Munro, voire plus!
Créée
le 1 sept. 2015
Critique lue 405 fois
2 j'aime
1 commentaire
Du même critique
J'avais beaucoup aimé le dernier livre de Lola Lafon: "la petite communiste qui ne souriait jamais", roman inspiré de l'histoire de la gymnaste prodige Nadia Comaneci. J'ai aussi beaucoup aimé le...
Par
le 26 août 2017
6 j'aime
Smith, interné pour braquage dans un centre de rétention, est rétif à toute autorité. Hors-la-loi, il est résolument contre les "pour-la-loi". Le directeur de l'établissement, se targuant de...
Par
le 27 août 2017
6 j'aime
1
Michel Ragon n'est pas un écrivain médiatique. Petit homme vieux, fidèle à ses idées et à ses amitiés, c'est avant tout un écrivain autodidacte, chantre de la littérature ouvrière et de l'anarchisme...
Par
le 28 oct. 2014
6 j'aime