Smith, interné pour braquage dans un centre de rétention, est rétif à toute autorité. Hors-la-loi, il est résolument contre les "pour-la-loi". Le directeur de l'établissement, se targuant de nouvelles méthodes propices à la réhabilitation, veut faire de l'adolescent un vainqueur du prix national de course de fond.
Or, Smith est certes un délinquant, mais pas sot pour autant. Il devine les intentions, sinon les intérêts du directeur. Il accepte les entraînements, car il aime courir, il est d'ailleurs doué pour ça. Mais il n'aime pas gagner, il n'a pas le goût de la compétition. Il distingue "the racing" (faire la course) et "the running" (courir). D'emblée Alan Sillitoe annonce ses conceptions relatives à la pratique de la compétition: il est contre, radicalement, et pour des raisons idéologiques (à la différence de Churchill disant "no sport" par posture pleine d'humour.
Smith, par son intelligence et son culot, son courage aussi (car il sait ce qui l'attend lorsqu'il aura volontairement perdu la course, humiliant par là le directeur et les officiels) met le lecteur de son côté, qui oublie vite qu'il est malgré tout, un délinquant. Dans le jeu des gendarmes et des voleurs, on se place souvent du côté des voleurs...
Je pense qu'il ne faut pas voir dans cette "long short story" autre chose qu'une flèche décochée aux bien pensant, à ceux qui détiennent l'autorité. C'est une illustration de l'individualisme libertaire, que l'auteur essaie, non sans succès, de faire passer par la vivacité de son écriture, son humour et sa fantaisie.
Le style de Sillitoe, en effet, est très efficace: phrases longues, mais aussi onomatopées, passages poétiques. Ce livre se lit d'une seule traite, effectivement, comme le recommande l'auteur de la préface, mais en le dégustant par petites gorgées, lentement, mais régulièrement.
Je prendrai volontiers une deuxième pinte de Sillitoe!