Christchurch, dans l'île du sud de la Nouvelle-Zélande, est la ville natale d'un auteur bien connu en nos contrées : Paul Cleave. Mais c'est aussi là-bas qu'a grandi Carl Nixon, qui écrit aussi des romans noirs mais très différents et beaucoup moins spectaculaires que son confrère. Après Sous la terre des maoris, Rocking Horse Road est le deuxième livre de Nixon à paraître en France, alors que sa première parution date de 2007. L'accroche du roman est directe : Eté 1980. Nouvelle-Zélande. Qui a tué Lucy Asher ? C'est en effet la question qui parcourt tout l'ouvrage et bouleverse la petite communauté du Spit, un quartier résidentiel au sud de Christchurch. Un endroit idéal pour situer un suspense, une bande de terre coincée entre l'océan et ses fureurs et un estuaire formé par la rencontre de deux rivières. Un lieu menacé de disparition qui, après 1980 et ce meurtre mystérieux ne sera plus jamais le même. Une affaire qui passionne le narrateur et sa petite bande de copains, que des garçons, des adolescents tellement épris de justice qu'ils vont mener leur enquête parallèle alors que les policiers piétinent. Ce sera même une obsession pour eux, alors qu'ils deviennent des hommes d'âge mûr et rangés, mais toujours habitués à se réunir plus de 25 ans après les faits et à chercher le coupable et à se remémorer une époque enfuie. A travers leur évolution, qui correspond à la perte de leur innocence et insouciance, Carl Nixon trace aussi celle d'un pays obligé contre son gré de s'ouvrir au tumulte du monde. Le livre raconte notamment comment en 1981 la tournée des Springboks, les rugbymen sud-africains, symboles de l'apartheid, divisa profondément la Nouvelle-Zélande. Plus qu'un roman noir à proprement parler, Rocking Horse Road est une chronique sociale subtile et profonde où les descriptions magnifiques de la nature alternent avec une analyse très fine des tourments de l'adolescence et de l'impossibilité de faire son deuil, non seulement vis-à-vis de la jeune fille assassinée mais aussi avec sa propre jeunesse disparue. L'écriture est ciselée, le récit mêle avec brio les temporalités et séduit par sa mélancolie intrinsèque. Un beau roman, contemplatif, nostalgique et amère, avare en péripéties, mais d'une grande justesse psychologique.

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le 30 juil. 2018

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