Les Confessions, ou l’œuvre qui raconte la vie et l’humain. A travers sa propre histoire, Rousseau parvient à évoquer celle de tous en y abordant des émotions communes et des sentiments universels. L’auteur ajoute également à ce conte de l’humain un aspect philosophique, et traite de bien des sujets, de façon claire ou à travers des situations tirées de son vécu. Ainsi, Rousseau donne sa perception de l’éducation notamment, en prenant comme base celle qu’il a reçue et en y apportant des modifications afin de déterminer quelle(s) tactique(s) il convient d’adopter pour élever au mieux un enfant, ou pour lui inculquer des connaissances. Il va jusqu’à présenter les méthodes pédagogiques qui l’ont conduit à une culture et une éducation imposantes, et souligne le fait qu’il n’aura réussi à s’instruire efficacement qu’avec passion et transport. Déplorant qu’il n’ait été qu’autodidacte à cette époque, il n’oublie pas que, n’ayant pas de maitre, il fut forcé de forger ses opinions dans l’autonomie la plus complète.
A travers les convictions de Maman, il évoque la religion et le regard plus ou moins stricte qu’on peut avoir vis-à-vis des écrits divins, démontrant qu’il existe plusieurs degrés de croyance et que la pieuté n’inclue pas un aveuglément total et un rejet de la raison. Les relations qu’avait Rousseau avec Mme de Warens sont très particulières et complexes, ce qui les rend difficiles à cerner tout à fait. Plus qu’une mère, plus qu’une amie, plus qu’une amante, elle est pour lui l’affection et l’amour, la personnification d’un sentiment inexploré et inexplicable. Ce que ressent Rousseau, c’est un abandon du désir au profit de la passion, un amour brûlant sans besoin de sensualité, des sentiments incandescents d’une pureté exceptionnelle.
Rousseau dit vouloir être le plus exact possible dans ses propos. Tenter de savoir si c’est ce à quoi il s’emploie dans ses Confessions, c’est monter un projet voué à l’échec. Certains auraient tendance à l’accuser de mauvaise foi, mais je dirais, entrant ainsi en contradiction avec la définition de l’autobiographie, que la sincérité tient une place secondaire dans son œuvre. Au contraire d’autres grands hommes dont on lirait les récits de vie afin de nous entendre conter leur existence en détail, Rousseau relègue presque la sienne au second plan. Pourtant, il décrit tout au long de l’œuvre sa vie, c’est incontestable, mais elle ne doit être qu’un miroir face à une société, à des émotions, des situations, des caractères et des êtres humains. Les Confessions, c’est le miroir de l’humain et de la vie.
Si l’on prend l’œuvre à son sens premier, si on en commence la lecture avec pour seul objectif de connaitre la vie de l’auteur, on sera très vite lassé, agacé, ennuyé même, particulièrement par cette édition qui ne retrace que la jeunesse du philosophe. Le récit, sans avoir besoin d’une constante analyse, n’est pas à prendre au pied de la lettre. Et encore, si l’on ne souhaite pas prêter attention au message de l’auteur, il reste encore son style d’écriture qui, à lui seul, semble capable d’instruire.
Les Confessions dégagent donc une certaine subtilité qui, outre des propos philosophiques plus complexes, n’empêche pas l’œuvre d’être accessible par tous. Elle est pour ainsi dire un témoin, un reflet, une peinture de la vie telle que se la figurait Rousseau, faite à travers sa propre existence. Capable d’un style d’écriture remarquable, l’auteur a le pouvoir d’évoquer un millier de sujets en une situation, un milliard d’émotions en un caractère. Ses rencontres, ses sentiments, ses aventures, ses joies, ses déceptions, ses peurs : c’est par là qu’il souhaite se raconter, un succès qui s’accentue de par son caractère universel. Rousseau, c’est un homme qui, par son histoire, raconte celle de tous.
Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de sa nature ; et cet homme ce sera moi.