L'intrigue se déroule les 16 et 17 février 1596, pendant les derniers jours de l'éphémère République de Marseille dirigée par le consul Charles de Casaulx. La France est alors plongée en pleine guerre de religion entre catholiques et protestants. Henri IV, nouvellement devenu roi de France, est contesté en raison de ses origines protestantes. Il entend pourtant bien assoir son pouvoir sur l'ensemble du territoire de France et pour ce faire, ramener Marseille dans le giron du royaume. Au moment où ses armées marchent sur la ville, quatre personnages réunis à de l'auberge de La Roue de la Fortune se retrouvent piégés dans le conflit. Il y a Victoire, chef de la guilde locale des assassins, dont la mission actuelle pourrait bien faire basculer la guerre ; Gabriel, le Chevalier de Saint Germain, protestant converti de force après avoir assisté au massacre des siens lors de la St Barthélémy, devenu depuis le bras armé impitoyable de la foi catholique ; Axelle, ancienne mercenaire qui tient désormais l'auberge avec son mari ; et enfin Armand, Artbonnier en fuite avec son amant, qui espère pouvoir quitter la France. Ce sont eux qui racontent l'histoire, accompagnés de Silas, homme de main de Victoire, dont le récit clos chacune des parties. Tous vont devoir affronter les combats à venir ainsi que les démons de leur passé, et faire face à leur destin.
La construction du récit alterne donc les chapitre de chacun des personnages. Le roman est découpé en 3 parties. La première pose le cadre et présente les différents protagonistes. La deuxième nous fait remonter le passé de chacun, jusqu'aux raisons de sa présence à Marseille à ce moment là. Enfin, la troisième partie voit l'arrivée des troupes d'Henri IV et le dénouement de l'Histoire de la République de Marseille et des histoires personnelles des narrateurs. Cette construction qui alterne une intrigue très dense et concentrée dans le temps avec une partie de flash-back se révèle diablement efficace pour maintenir le suspens et l'attention du lecteur. Le rythme est bien mené, et ce court roman vous happe jusqu'à une conclusion diablement efficace. Il y a une vraie cohérence dans l'intrigue, tous les fils sont très habilement tissés entre eux par Jean-Laurent del Soccoro. Les personnages sont l'autre point fort de ce livre. Riches, développés, attachants, avec pour chacun le poids de son passé, voire son gimmick d'écriture. Côté écriture d'ailleurs c’est fluide, la langue est agréable et c'est un vrai plaisir de se replonger dedans.
Si Royaume de vent et de colères se présente comme un roman de fantasy, le côté imaginaire y est très léger. Seule la présence des Artbonniers, et la discrète description du fonctionnement de leur magie nous font basculer du côté fantastique. Pour le reste, ce livre tient plus du roman historique. Et du coup, il pourra aussi séduire au-delà du lectorat traditionnel du genre. Avec pour mérite de mettre l'accent sur un point méconnu de l'histoire de France (sur lequel l'auteur a l'air de s'être bien documenté).