Et voilà le genre de livre que j’aurai pu lire en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Tout est délice : le cadre, l’impétuosité de Vienna, sa passion pour le grec et le latin, son attachement à la nature, l’ingénuité de ses enfants qui, d’une vigueur et d’une sensibilité sans faille, vivent comme deux sauvageons. J’étais d’ailleurs partie pour le dévorer ! Et puis l’échéance du mémoire a pointé le bout de son nez et je me suis trouvée contrainte de ne lire qu’un chapitre par jour, le soir, juste avant de m’endormir. Dix mois plus tard, je ne sais toujours pas si ces conditions de lecture m’ont plues. J’ai à la fois la sensation d’avoir savouré chaque page et en même temps un sentiment de frustration immense, comme si je ne lui avais pas rendu les honneurs qu’il méritait. Une chose est sûre, c’est un livre que je relirai.
"Sanctuaires Ardents" (2010), de Katherine Mosby, raconte une femme forte, figure de cette résilience magnifique qui habite celles qui parviennent à se défaire du joug des autres, des hommes. Vienna est libre et c’est effrayant. Elle ne fait pas semblant, refuse toute concession. Elle avance et déroute par une franche réserve et une authenticité presque violente. Son érudition et sa capacité à vivre selon ses propres règles l’ont mise au ban de la bonne société de Winsville, ville sudiste par excellence, marquée par son lot de préjugés et son étroitesse d’esprit.
D’aucuns diront que Vienna est une ombre. Les désillusions de l’amour et les tragédies de la vie sont autant de cicatrices silencieuses qui labourent son quotidien et la plongent dans une solitude certaine. Mais la bienveillance qui guide ses actes, l’ardeur qui l’habite lorsqu’elle travaille à son poème, le soin qu’elle met dans l’entretien des arbres qui l’entourent me laissent persuadée du contraire. En exil dans le domaine familial, Vienna « entre en résistance ». Elle apprivoise cette solitude et la fait sienne, elle se créé un refuge au sein duquel elle continue de brûler pour cette vie qui, inlassablement, offre et reprend.