C’est lors des Imaginales 2017 que j’ai rencontré Charlotte BOUSQUET, assise à côté d’Estelle FAYE à qui je venais (enfin!) d’acheter « La Voie des Oracles« . Et j’ai eu d’abord le coup de coeur pour l’allure des ouvrages présentés sur son stand. Je tenais à saluer le travail des éditions GulfStream qui pour leur collection Electrogène ont crée un design vraiment magnifique. « Sang-de-Lune » est doté d’une couverture mystérieuse et en même temps porteuse de sens quand on a lu l’ouvrage. J’ai adoré la tranche dans les tons cuivre qui correspond aux couleurs évoquées dans le livre. Un bien beau graphisme pour un roman qui le mérite.
J’évoquais les couleurs…car ce que j’ai aimé dans le style de Charlotte BOUSQUET, que je découvre grâce à cet ouvrage, c’est bien ses descriptions soignées et ses mots forts qui nous plongent immédiatement dans un univers bien travaillé. Le cuivre des femmes s’oppose à l’or des hommes. Les habitants d’Alta vivent dans un monde sombre, gris et terne dans lequel le bonheur n’est pas une fin en soi et où les habitantes sont opprimées à cause du rouge qui fait d’elles des femmes… Les couleurs sont presque des personnages à part entière, tant ces éléments ne sont pas choisis au hasard et participe à la magie de l’écriture.
Différents axes sont évoqués dans l’ouvrage, et je trouve que tous sont bien menés. D’abord, les femmes ou Sang-de-Lune sont reléguées au statut de ventre et traitées telles des esclaves, car le Mal est en elles et le sang qui coule de leur ventre tous les mois en est la preuve. Les hommes, ou Fils-de-Soleil, gouvernent la cité en un patriarcat absolu. C’est donc une ode féministe que nous livre Charlotte BOUSQUET. Gia et sa soeur n’acceptent pas leur rôle et quand Gia est promise à un homme mauvais, elle se rebelle et décide de fuir. Chose qui n’est pas aisée dans la société dans laquelle elle évolue et avec l’enfance qu’elle a vécu…
Car est aussi évoquée la notion du formatage: quand on est élevé d’une certaine façon, il est dur de rejeter cette éducation, même si on comprend que les fondements sont mauvais. Ainsi Gia garde ses craintes et ses réflexes envers le sexe fort après sa fuite. Et se questionne encore sur le bien-fondé de ces actions. Si elle a décidé de partir, n’est-ce pas parce qu’elle est atteinte par le Mal censée la ronger de par son statut de femme? Ne devrait-elle pas se soumettre comme les femmes de la ville? Si les Sang-de-Lune obéissent depuis si longtemps aux Fils-du-Soleil, c’est qu’il y a bien une raison… Et ce sont ces hésitations qui font la force du roman. Ils sont logiques et prouvent que la psychologie des personnages est bien travaillée.
Enfin, il y a aussi l’idée du Paradis Perdu, de l’Eden. Après avoir traversé les Régions Libres (dont le nom prouve bien l’oppression qu’Alta met en place), surmonté les Nécrosés et les Hordes, Gia et sa soeur Arienn espèrent trouver « des plages immenses et grises, et des forêts vert sombre »… Bref une nature sauvage qui leur apporterait la paix après le sombre et le terne de leur enfance. Le bonheur est dans le retour à la nature, se cache donc dans les lignes de l’auteure une petite pensée écologique…
Les références sont nombreuses. En lisant cet ouvrage, j’ai pensé au film « Le Village » de Shyamalan, à la saga « Divergente » aussi… Mais l’auteure a réussi à innover et à écrire une dystopie qui sans être incroyablement originale, arrive quand même être novatrice.
L’écriture à la 1ère personne est bien maîtrisée, on est à la place de l’héroïne Gia sans que cela lasse ou gêne la compréhension des événements. Bien au contraire, on est davantage entraîné dans la succession des faits, et on est d’autant plus séduit par le caractère de Gia. Ce n’est pas une « vraie » héroïne clichée: elle a ses doutes et ses faiblesses, et surtout sa part sombre et son passé. Elle culpabilise à juste raison pour un acte qu’elle a commis et au lieu de l’admettre, s’enferme dans le mensonge. Enfin une héroïne avec des défauts! Charlotte BOUSQUET n’est pas tombé dans le poncif qui veut que quand on raconte une quête initiatique, le héros se doit d’être parfait. Et c’est tant mieux!
Autre point positif: pas de triangle amoureux niais, voir pas d’histoire d’amour tout court, et cela m’a convenu. Ce n’est pas l’objet de ce roman, et l’auteure a eu le bon goût de ne pas nous en infliger une pour céder à la mode, merci à elle!
Vous l’aurez compris, j’ai absolument adoré ce livre, et compte bien m’offrir de ce pas un autre des « one-shot » de Charlotte BOUSQUET, je pense à « Là où tombent les anges« . La lecture de « Sang-de-Lune » a été un beau moment, et je ne peux que conseiller cet ouvrage!