… Et abondamment illustré, comme c’est le principe dans la collection « Découvertes » de Gallimard. L’approche, centrée sur l’Europe, n’est pas exclusivement artistique, mais folklorique et culturelle au sens large, ce qui permet de balayer assez large, à partir d’une de ces évidences qu’il est toujours bon de rappeler : « le vampire est incontestablement né de fantasmes liés au sang » (p. 14).
À partir de là, la structure chronologique de Sang pour sang amène à suivre la constitution du mythe du vampire, depuis le simple revenant maléfique et mal enterré dans l’Europe centrale du XIVe siècle (« le phénomène […] se généralise et l’on constate que ces manifestations spectaculaires de vampirisme coïncident avec les grands épidémies de peste », p. 24) jusqu’au « rapport sadomasochiste nouveau entre vampire et vampirisé » (p. 70) qui caractérise la littérature de vampires du XIXe siècle et assurera la pérennité du mythe.
Il me semble que les vampires littéraires avant Carmilla de Le Fanu et surtout Dracula ne mêlent pas encore les deux éléments (sang et sadomasochisme) et que, pour reprendre une autre évidence, c’est la morsure qui fait le vampire – d’où le statut particulier des « vampires » de Goethe ou Polidori, d’où le caractère hybride d’un certain nombre de films de vampires des années 1970 (je pense à Jean Rollin) qui naviguent entre pseudo-horreur et pseudo-érotisme.
Je crois aussi que le vampire gagnerait à être mis en en perspective avec un autre mythe contemporain de l’œuvre de Stoker : Dr. Jekyll et Mr. Hyde, qui est peut-être au loup-garou ce que Dracula est au vampire (ou à Dracula ce que le vampire est au loup-garou, si vous préférez). Du reste, il me semble que le véritable double inversé du vampire (individu contre collectif anonyme, conservation contre décrépitude, sélection alimentaire contre voracité…) n’est pas le loup-garou, mais le zombie.
Le livre de Jean Marigny ne mène pas de telles réflexions, car il ne comporte que cent quarante pages dont une bonne moitié est occupée par des illustrations – c’est aussi les limites de la collection « Découvertes » de Gallimard… Mais il les permet. Et c’est toujours plaisant.