L'Intraville pourrit autour de son usine chimique désaffectée. Même si ce bâtiment ne fonctionne plus depuis longtemps, les habitants continuent de mourir de maladies pour la plupart inconnues. Sans perspective d'avenir, comme coupée du monde, toute la ville semble anesthésiée, vivotant au jour le jour.
Ces dernières années, cinq jeunes garçons ont disparus à plusieurs mois d'intervalle. Pratiquement nul ne sait ce qui leur est arrivé, et l'angoisse monte parmi les jeunes désabusés de l'Intraville.
Un roman qui commence comme un polar, mais qui prend rapidement les attentes du lecteur à contrepied. Le véritable sujet de ce roman, ce sont ses personnages, l'Intraville en tête, car la cité est vivante, presque palpable.
L'histoire alterne les chapitres racontés par Léonard, jeune garçon qui parle de son quotidien, et ceux où le narrateur nous fait partager la vie et les pensées d'autres habitants de l'Intraville. L'ambiance est sombre, pas tant à cause de disparition qu'en raison de cette espèce de torpeur qui s'est saisie des habitants. Tout est comme figé, hors du temps.
Dans un cadre pareil, on s'attend à ce qu'il arrive des choses horribles. L'auteur ne se gêne pas pour les annoncer, et les personnages eux-mêmes sentent qu'ils courent vers leur catastrophe. Mais une fois qu'elles sont là, la scène nous prend à revers, une sorte de douceur semble reprendre ses droits, et l'on en sait même plus si l'on doit trembler. L'essentiel n'est pas tant dans ce qui se passe que dans ce que les personnages en pensent et en retirent. La langue, très belle, semble toujours tirer le récit un cran au-dessus des événements.
Tout cela pourrait frôler la perfection, s'il n'y avait pas, à mon sens, un gros problème avec la fin. L'auteur nous entraîne en effet dans un délire fantastico-mystique un peu surfait, qui n'a pas grand chose à voir avec le reste du texte, et surtout à la morale un peu douteuse.
***SPOILER***
En effet, l'agent de police Morrisson sait depuis le début que les garçons sont morts. Il a découvert le corps pendu du premier disparu, mais a décidé d'étouffer l'affaire sous la pression de gens haut-placés qui ne voulait pas voir trop de grabuge dans la cité. Pas très glorieux, soit. Mais il sera pour cela punit ne manière assez terrible par (et c'est là que ça se corse) le meurtrier lui-même, qui devient pour le coup une sorte de figure salvatrice chargée de mener les pauvres pêcheurs à la rédemption.
Si je comprends le discours de l'auteur sur nous, pauvres téléspectateurs anesthésiés face à la douleur du monde, j'ai du mal à digérer l'idée que celui qui regarde et ne fait rien est plus coupable que celui qui tue, lequel devient dès une sorte d'ange de vengeance.
Ca plus tout le délire autour du Glister, du dédoublement de Léonard à la fois mort et non mort, ça m'a un peu gâché le plaisir sur les dernière pages.
***END OF SPOIL***
Dommage donc que la fin vienne amplement gâcher l'ensemble. Car pour le reste, c'est un roman qui tient en haleine et se lit d'une traite, avec une ambiance prenante et des personnages profondément humains. A lire, à l'exception des deux derniers chapitres.