Une vraie réussite !
Malgré la lourdeur du thème évoqué dans ce court récit (les attentats lors des JO de Munich en Septembre 1972), Jean Mattern revit cette terrible période comme jeune journaliste. Sans s'appesantir,...
le 6 mars 2015
Nous sommes au mois de septembre 1972, les jeux olympiques se tiennent en Allemagne de l’ouest. Le narrateur, Sébastien – marié et jeune journaliste - est dépêché à Munich par le BBC pour effectuer un reportage d’avantage culturel que sportif. Il croise à cette occasion le regard sombre et ténébreux de Sam Cole, journaliste israélite, pour le compte d’un journal américain.
"Je le vis, je rougis, je palis à sa vue"(1)...
se serait ainsi exprimée Phèdre, dans son éblouissement passionnel.
Est-ce une rencontre qui offre à Sébastien l’opportunité de se révéler à lui-même, ou s’agit-il de l’affranchissement intime et frénétique du narrateur lié à une actualité tout aussi violente quand une organisation palestinienne prend en otage et assassine onze athlètes de la délégation israélienne ?
A cet instant, l’histoire chavire. L’horreur conduira-t-elle les protagonistes à connaitre également un "septembre noir" (2) ?
A l’automne de sa vie, Sébastien, réconcilié avec lui-même, restitue, sous la plume de Jean MATTERN, ce récit /ce roman ?, empreint de sentiments - peut-être encore confus, mais délicieusement nostalgiques.
Jean MATTERN, né en 1965, vit à Paris. Marié, il travaille dans le monde de l'édition.
"Septembre", publié aux éditions Gallimard en 2015, n'est pas son premier roman : "Simon Weber - Lien vers "le blog des livres qui rêvent", "le bleu du lac", "de la perte et autres bonheurs", "de lait et de miel", "les bains de Kiraly"… sont autant de pépites de MATTERN.
A noter que paraîtra, au mois d'août 2019, son nouveau roman : "une vue exceptionnelle". En attendant est programmé, du vendredi 3 mai au dimanche 5 mai 2019, "Jean Mattern & Conor O'Callighan" au festival livres et musiques à Deauville. L'Irlande sera mise à l'honneur à cette édition.
Dans "Septembre", Jean MATTERN fait le choix de distiller les faits et les situations suscitant l'éternelle question : le roman est-il une œuvre d'imagination ou/et également de souvenirs mêlés, en même temps ? Je reste persuadé que "l'intrigue" est souvent l'aboutissement de la rencontre des deux.
Est-ce à dire que "Septembre" est une œuvre autobiographique ? On serait tenté de le penser et on aurait aimé le croire. Non, évidemment. En 1972, l'auteur est âge de 7 ans, il dira avoir été déjà très marqué par la violence des événements qu'il ne peut alors comprendre. Bien plus tard, la naissance du livre marquera son désir impérieux d'y revenir.
Tout de suite, il apparaît comme une évidence que Mattern s'est richement documenté pour donner au roman ce qui va constituer la toile de fond à une œuvre romanesque empreinte de douceur et de sensibilité extrêmes dans la difficulté née de de la complexité, de la confusion( 3) et de l'ambiguïté des sentiments quand l'amour et l'amitié se heurtent.
On retrouve dans "Septembre" tous les thèmes récurrents à l'œuvre de MATTERN : la disparition, la perte de l'être aimé par les circonstances de la vie qui nous échappent (cf. "Simon Weber"), le désir charnel, l'amour et sa complexité…
Sébastien et Sam Cole cheminent exactement et malgré eux dans un "jeu de liaisons dangereuses". L'auteur est brillamment parvenu à leur donner une personnalité abyssale, attachante parfois, mais insaisissable, souvent.
C'est donc un thème encore qui lui est familier qu'explore à nouveau jean MATTERN, y ajoutant la nostalgie et le poids du passé. Mais le nouvel émerveillement dans la poursuite de la lecture de son œuvre vient d'une écriture cette fois-ci différente, plus efficace et empreinte d'une tension poussée à son paroxysme.
Ce récit, servi par une langue parfaitement maîtrisée, magistralement orchestré autour d'un fait historique, est un véritable chef-d'œuvre.
Bonne lecture,
Michel
Voir et suivre mon blog : Fureur De Lire (F-D-L)
Notes
1) Phèdre de Racine, Acte I, scène 3.
2) La prise d'otages des Jeux olympiques de Munich (aussi appelée le massacre de Munich) a eu lieu au cours des Jeux olympiques d'été de 1972 à Munich en Allemagne de l'Ouest. Le 5 septembre 1972, des membres de l'équipe olympique d'Israël ont été pris en otage et assassinés par des membres de l'organisation palestinienne Septembre noir. Le bilan de la prise d'otages est de onze membres de l'équipe olympique israélienne assassinés et d'un policier ouest-allemand tué. Cinq des huit terroristes ont été tués, les trois autres capturés. (Source Wikipédia)
3) Référence empruntée au récit de Stefan Zweig, "la confusion des sentiments"
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Créée
le 7 nov. 2019
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