Présenté un peu abusivement à mon sens sur la quatrième de couverture comme étant, peut-être, le chef d’œuvre de Silverberg, ce bouquin n'en est pas moins de très bonne facture. Ce en dépit sans doute de quelques longueurs, notamment anatomiques - le personnage principal est médecin - et mystiques. Je pense notamment pour ces dernières au passage de ce médecin, donc, à Jérusalem et à sa visite au mur des lamentations.


Si "Shadrak dans la fournaise" est paru en 1976 et a été conçu par son auteur comme une dystopie, l'action se déroule en 2012 et peut donc se lire désormais comme une uchronie, peu utopique bien entendu. Quoiqu'il en soit, Silverberg nous démontre ici à nouveau son inclinaison à jouer avec l'histoire : à la fin des années 90, l'ensemble des régimes et des états, de tous bords, s'est effondré à la suite d'une éruption volcanique dantesque, qui a obscurci des mois durant tout le continent américain et déclenché guerres et conflits. La population de la planète a dans son intégralité été contaminée par un virus mortel, pour lequel un antidote a toutefois été développé. Antidote dont l'inventeur est toutefois mort avant de pouvoir s'appliquer son invention et dont le contrôle a été pris par un dirigeant mongol, j'ai nommé celui qui s'est auto-proclamé Gengis II Mao IV (!) et règne désormais sur le monde. Et réserve l'usage de l'antidote aux dignitaires de son régime.


Formidable personnage que ce dictateur du monde entier, dont je suis certain qu'il a inspiré le Gengis Khan de Sid Meier. Paranoïaque, roublard, évidemment autoritaire et ne faisant aucun cas des vies humaines. Au passage, bien sûr, une réflexion passionnante sur le pouvoir dans le bouquin. Et le problème, c'est qu'en 2012, il est vieux, très vieux. Il aspire, comme tout un chacun à la vie éternelle. Et il va y mettre des moyens, le bougre, il faut dire qu'il n'en manque pas. D'abord avec des greffes d'organes, d'où les longueurs anatomiques évoquées plus haut. Puis avec des projets un peu plus ambitieux, comme le transfert de son âme et de son esprit dans d'autres réceptacles. Le lecteur côtoie alors évidemment le thème du transhumanisme.


Mais ce n'est pas tout. L'univers imaginé par l'auteur est plein d'autres surprises, dans une ambiance finalement très seventies. Liberté sexuelle, qui n'en cache pas moins d'ailleurs une intéressante réflexion sur l'amour et les sacrifices qu'il pourrait requérir. Drogues dont l'absorption vise à provoquer des expériences mystiques. Amusante d'ailleurs, la spiritualité dans le monde de Gengis II Mao IV : transtemporalisme (voyage dans le temps par absorption d'une substance), ominiromort (expérience de la mort par absorption d'une substance) et ... menuiserie (travail du bois sans absorption de substance). Ou comment se fabriquer une table ou des étagères devient une expérience profondément spirituelle. Oui, Silverberg n'a jamais manqué d'humour.


Voilà, un bouquin un peu tout fou, très foisonnant et tirant volontiers sur la mystique la plus débridée qui soit, avec en plus de tout le reste un côté "Jésus est venu sur terre pour sauver les hommes". On ne s'ennuie guère, d'autant que l'action est bien présente et le suspense ménagé jusqu'aux dernières pages.

Marcus31
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le 21 déc. 2019

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