La voix intérieure du malheureux héros de cette histoire violente et absurde forme une logorrhée paranoïaque que vient trouer comme des flashs stroboscopiques un point de vue omniscient qui ajoute à la folie du récit. Cette hystérie stylistique, qui alterne entre phrases sans fin, dialogues secs, pensées vagabondes et vocabulaire cru, créé la sensation d'une immersion rare au plus près de la psyché schizophrénique d'un personnage que l'on pénètre plus qu'on ne le suit.
Mais ce fascinant vertige de la forme s'épuise rapidement à force de répétitions. L'action s'embourbe, les réflexions tournent en rond autant que le personnage qui, devenu aveugle après s'être fait tabassé par des flics, met des pages pour seulement traverser quelques rues, et au terme des 400 pages de ce roman au très beau titre, on a la désagréable impression de se retrouver au point de départ et de ne rien pouvoir retenir d'autre qu'un délire d'abord fascinant qui aura vite tourné à un épuisant exercice purement formel.