Peut-être connaissez-vous déjà l'écrivain belge Patrick Delperdange (ce n'était pas notre cas), un touche à tout aux multiples facettes : littérature jeunesse, scénarios de BD, traduction d'auteurs américains, ...
D'ailleurs citons une interview du bonhomme lui-même :
« Assez de cette classification. Mon travail actuel, c'est faire éclater les barrières que l'on pose depuis que la littérature existe.
Je n'arrive plus à considérer les genres les uns par rapport aux autres ».
Découvrons l'un de ses talents ici, au rayon polar, ou plutôt roman noir. Ce 'genre' de romans où les américains excellaient, où dès les premières lignes, on sent que tout est là pour que ça parte en vrille, où tout semble écrit dès les premières pages. Ces romans où l'on sait que ça va très mal finir, tout en ne sachant pas trop bien comment ça va très mal finir.
Nous voici donc perdus avec quelques personnages au fin fond d'une campagne désolée que l'on imagine vaguement au nord, à la frontière belge peut-être, mais qui pourrait tout aussi bien être au cœur des plaines enneigées du Montana.
Il y a Céline, la jeune femme trop jolie dont le ventre meurtri cache quelque secret et qui fuit on ne sait encore trop qui ou on ne sait encore trop quoi (enfin, on devine quand même).
Il y a Léopold, le vieux qui crache du sang et qui montre beaucoup d'empressement à rendre service aux jeunes femmes en fuite.
Il y a Josselin, le jeune con au sang chaud et Maurice, son connard de frère suivi de deux chiens encore plus vicieux que leur maître.
Voici quelques êtres perdus à tourner en rond au milieu de nulle part, abandonnés des dieux, et dont les destins vont forcément se télescoper avec quelques fracas.
[...] Ils avaient d'une manière ou d'une autre échoué à vivre ailleurs.
[...] La lumière était celle d'un monde où plus rien n'aurait jamais lieu.
Un éclairage de fin du monde, juste après la fin de monde, une fois les dieux partis.
Quelques pages, un décor pauvre et austère, quelques personnages au passé trouble et aux pulsions animales, ... Delperdange est vraiment un pro de la mise en scène.
Le roman souffre presque de l'efficacité de l'auteur : la mise en scène est précise et rapide, la tension s'installe en quelques pages seulement ... et l'on voudrait que les tribulations des uns et des autres s'accélèrent encore, en se demandant qui va bouffer qui ...
Tout est écrit d'avance, l'engrenage inexorable est prévisible et pourtant ...
Un bouquin à lire d'une traite.
Pour celles et ceux qui aiment les ambiances de fin du monde.