A dix-sept ans, François n’a jamais quitté la ferme où il a grandi, trimant misérablement aux côtés d’un père sans tendresse et de ses quatre aînés. Malgré sa tête folle, il a pris conscience de l’anormal isolement de sa famille, et mille questions le taraudent. Pour quelles raisons son père lui interdit-il si farouchement de traverser la rivière ? Pourquoi ne parle-t-on jamais de la mère qu’il n’a pas connue ? Et qu’est-ce qui a poussé sa sœur à partir sans retour ? Pour tenter de trouver des réponses, l’adolescent se rapproche de quelques villageois avec lesquels il se lie. Il découvrira bientôt le secret de ses origines…


Rédigé à la première personne, dans le langage fruste et naïf d’un jeune homme maintenu dans un tel état de sauvagerie et de rustauderie qu’il en paraît d’abord un peu simple, le récit sans lieu ni date est celui d’un éveil progressif, d’un passage d’une quasi animalité à une conscience de soi pleine et entière. Alors que depuis le départ de sa sœur, seul être humain à l’avoir aimé, François s’en est trouvé réduit aux seuls liens affectifs qu’il entretient avec ses cochons, ses initiatives, d’abord maladroites puis de plus en plus assurées, vont peu à peu l’extirper de ses conditions misérables et lui permettre les apprentissages essentiels à son émancipation. Il apprend à lire, connaît sa première expérience sexuelle, découvre autour de lui les joies et les souffrances de l’amour, et, en explorant le passé et le secret de ses origines, comprend enfin son identité.


L’histoire, habilement contée, possède beaucoup de charme. Touché par la candeur et la sincérité de François, mais aussi par la fragile et lumineuse humanité de quelques autres personnages, le lecteur évolue à fleur d’émotion et de poésie, alors que le narrateur, jusqu’alors asservi par la misère et l’obscurantisme, s’apprête enfin, et très symboliquement, à sauter la rivière qui le séparait de l’espoir et de la liberté.


Profondément lumineux et optimiste, ce conte symbolique apparaît en frappant contraste d’un autre roman plus récent, pour sa part noir et désespéré, sur une thématique très semblable : Le démon de la colline aux loups de Dimitri Rouchon-Borie. Si le premier croit allégoriquement et positivement à tous les possibles, le second les referme sans recours sur l’identique innocence de son narrateur, ne lui laissant pour seul rivière à franchir que celle qui sépare la vie et la mort.


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Cannetille
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le 19 mai 2021

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