Alors, ça y est, c'est enfin le tournant de la Recherche du Temps Perdu, ce moment où le narrateur découvre l'homosexualité et que celle-ci lui permet de "décoder" les actes de ses contemporains (notamment le Baron de Charlus.) Ce moment de la littérature où l'on se met enfin à parler de l'amour entre homme (et qui a été décrié par les critiques de l'époque.)
Moi qui m'attendais à un truc très timoré qui en parle avec des pincettes, j'ai été surpris par la franchise du truc : Dès la page 8 le narrateur entend les bruits de Charlus et Jupien faisant l'amour et comprend naïvement que cela fait le même bruit que deux personnes se faisant mal. Puis s'en suit un laïus sur l'homosexualité comparé aux juifs. Je suis assez étonné par le fait que Proust en parle immédiatement, sans tourner autour du pot.
Car on a de nouveaux des descriptions de longues soirées. Si elles m'avaient barbés dans Du Côté de Guermantes, ici, on voit le narrateur observer son monde, comprendre les manipulations des uns et des autres pour obtenir une faveur ou avoir des vues sur telles ou telles choses. Alors, on est sur l'études de personnages assez détestables (que ce soit les Verdurins, les Cambremer, Cottard, Brichot, ils sont tous assez détestables) mais Proust s'attache à les rendre plus vivants et à en donner de l'épaisseur.
Idem, Charlus devient assez grotesque, flattant la maitresse de son frère car il a des vues sur ses enfants. (Oui, oui, c'est dégueulasse.) Dans l'ensemble les histoires d'amour sont des jeux de manipulations, notamment dans le tome 2 avec la relation entre Charlus et Morel qui n'est qu'un énorme chantage amoureux entre eux deux.
Ayant bien aimé A l'ombre des jeunes filles en fleurs, j'attendais pas mal le "retour à Balbec" sauf qu'au final, ça reste moins fun que prévu. Alors, les pages où le narrateur se souvient soudainement de sa grand mère morte sont vraiment touchantes et j'ai eu un coup de blues en me rappelant des situations similaires. On a aussi des descriptions moment heureux passés avec Albertine (oui, il y a des passages amoureux touchant) et quelques moments que j'ai aimé, au milieu d'un livre qui est essentiellement consacré à raconter comment se comportent les habitués des Verdurin lors d'un voyage en train.
Et je ne sais pas comment Proust à fait pour faire passer Albertine de charmante à insupportable. Enfin, si, plutôt, je sais très bien : l'idée étant de montrer peu à peu la jalousie du personnage l'envahir au point qu'il fini par tomber amoureux d'une personne qui, à tout bien regarder, n'était pas faite pour lui au départ. Et d'amorcer aussi toute une histoire autour du pendant féminin de l'homosexualité. (Là encore, je m'attendais à ce qu'on en parle dans "La Prisonnière"... et non, c'est même un point autour duquel tourne le tome 2.) Du coup, je suis partagé sur ce personnage.
Dans l'ensemble j'ai quand même pris plus de plaisir à la lecture que le précédant tome, mais on est loin d'être dans ce que je préfère dans La Recherche. Au moins passé ce cap, il ne reste plus que 3 romans.