Solo
Solo

livre de Rana Dasgupta ()

Une vie ratée et des rêves éveillés

Pour comprendre et décrypter Solo de Rana Dasgupta, il est utile de connaître quelques éléments de sa biographie. Indien par son père, anglais par sa mère, il a étudié en Grande-Bretagne, vécu en France, aux Etats-Unis, en Malaisie, avant de s'installer en Inde. Citoyen du monde, n'était-il pas logique que son livre se passe pour la plus grande part en Bulgarie, pays symbole du XXe siècle, qui a connu le joug ottoman, la monarchie, le fascisme, le communisme et, enfin, le le capitalisme débridé ? Une histoire agitée, dans laquelle le héros de Solo, Ulrich, s'insère avec ses espoirs déçus -il voulait être musicien puis chimiste-, et ses "rêves éveillés", une réalité parallèle où il aurait réussi sa vie, à travers d'autres personnages. La première partie du livre est somptueuse, le récit d'une existence marquée par l'échec, dont se souvient Ulrich, qui est alors devenu presque centenaire. Dasgupta s'affirme comme un conteur émérite, virevoltant au-dessus du siècle dernier comme un oiseau fou, avant de se poser doucement dans les décombres d'un paysage désolé, celui du Sofia d'aujourd'hui. La deuxième partie de Solo, plus cahoteuse et chaotique, est moins séduisante, comme une sorte de parodie de World Litterature. Peu à peu, l'on comprend qu'elle prend sa source dans les "rêves éveillés" d'Ulrich, qui apparait à nouveau dans le monde, en apparence rutilant, des nouveaux héros qu'il a imaginé dans ses fantasmes. De Sofia à New York, en passant par Tbilissi, le livre décrit le grand vide de notre époque où le succès n'a que la brillance d'un malentendu. Manifestement, Dasgupta est plus à l'aise avec les marginaux, les losers et les déclassés. A ceux qui sont prédestinés à rater leur vie dans les grandes largeurs. Et Dieu que le monde est absurde et cruel, semble conclure le romancier. S'il laisse perplexe sur ses intentions, avec une deuxième moitié de livre déconcertante, Rana Dasgupta est, à n'en pas douter, un écrivain à l'imagination fertile et au talent certain. A suivre de très près.

Cinephile-doux
8
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le 10 janv. 2017

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