1899, Rudyard Kipling, déjà auréolé du succès de son Livre de la jungle, se replonge avec délices dans la vie si caractéristique des internats anglais du milieu du siècle.
Accompagné de deux camarades facétieux, le Stalky du titre est un jeune homme qui a bien l'intention de ne pas se laisser faire par les professeurs autoritaires, les pions espions, les anciens et leurs fonctions incompréhensibles et les jeunes marmots aux dents trop longues...
Maniant le verbe avec virtuosité, nos trois compères accumulent les mauvais coups pour défendre leur indépendance et le droit à bouquiner tranquillement en fumant la pipe lors des après-midi de liberté. Méprisant joyeusement les imbéciles habituels et les rituels sportifs et académiques, ils ne sont jamais à court d'idées pour maintenir les forces en place à une distance inquiète et respectueuse. Par exemple, si d'aventure ils sont moqués pour un manque d'hygiène tout hypothétique par le tyranneau d'une autre maison, ils iront jusqu'à déposer le cadavre d'un chat fraîchement décédé entre le plafond et les combles de la maison concurrente afin de vaincre le mal par le mal.
Si par représailles un professeur insiste pour les retirer de leur salon privé afin de les mêler à l'étude générale, une seule séance apocalyptique devrait aisément faire revenir sur sa décision cet éternel optimiste...
Le plaisir de se plonger dans ces aventures légères et truculentes tient beaucoup à sa postérité, devenue plus célèbre que l'ouvrage lui-même.
Ainsi, en 1950, Anthony Buckeridge s'en est-il inspiré comme un dingue pour créer sa série des Jennings, et j'ai dévoré enfant avec un plaisir certain les traductions de ses aventures dans la Bibliothèque verte, sous le nom de Bennett et Mortimer, par les bons soins d'Olivier Séchan, le père de...
De façon moins directe, dans sa biographie de Baden Powell, Jijé reprendra jusqu'à certains dialogues de professeurs pour raconter la jeunesse difficile de son héros dans un pensionnat similaire.
Bien sûr, chez Kipling, la gravité n'est jamais très loin, et le contexte des guerres indiennes où seront appelés la plupart des élèves après leurs examens est là pour nous rappeler que les petits brigands d'aujourd'hui seront aussi les grands capitaines de demain, mais baste, qu'importe !
C'est tellement bon d'avoir 16 ans et comme seul souci de rendre chèvre le pompeux professeur de mathématiques...
Et puis, Kipling écrit si merveilleusement...