Après l’excellente surprise que constituait un Lost Stars tirant son épingle du jeu au sein du capharnaüm que constitue déjà le nouvel univers étendu, avec ses faux airs de roman à l’eau de rose pour ado sous fond de passionnante relecture de la trilogie originale, Claudia Gray revient aux affaires avec cette fois un bouquin de premier plan au sein du canon puisque l’on nous propose ni plus ni moins de suivre les péripéties de la sénatrice Leia Organa, six ans avant les événements relatés dans The Force Awakens. Cerise sur le gâteau, le réalisateur du prochain épisode, Rian Johnson lui-même, est venu apporter son aide pour que ce roman soit intégré à la saga de la meilleure des manières possible. Les promesses de répondre à des questions telles que les origines du Premier Ordre et de la Résistance ou l’évolution de la relation entre Leia, Han et leur fils Ben sont-elle tenues ?
Ça commence comme le meilleur roman Star Wars jamais écrit. Une vingtaine d'années après les événements de l'épisode VI, on retrouve la galaxie dans un état tel que l'on était en droit de l'attendre après la chute de l'Empire : paix relative, pas de Premier Ordre et donc pas de Résistance non plus. Tout semble aller pour le mieux et pourtant, on comprend que c'est maintenant que tout va se jouer... C'est avec delectation que l'on suit une Leia quadragénaire plus vraie que nature évoluant au sein d’un sénat galactique constitué de personnages hauts en couleurs et, ça devient une habitude avec cet auteur, toujours bien moins stéréotypés que l’on pourrait le penser au premier abord. Un sénat que l’on découvre divisé entre deux courants politiques irréconciliables : les centristes qui souhaitent un pouvoir central fort et les populistes qui préfèrent laisser le maximum d’autonomies aux planètes. Leia est de ceux-là. On ressent sans peine tout l’amour de Claudia Gray pour le personnage et il n’y a aucun mal à imaginer chaque ligne de dialogue prononcée par une Carrie Fisher entre deux âges. Il y aura des chapitres peut-être un peu durs à avaler pour les allergiques à la politique dans Star Wars, mais on pourra se rassurer de voir que tout est traité avec bien plus de finesse que les errements de la prélogie et que l’auteur n’oublie pas de nous servir notre dose d’aventure puisque notre Leia sera amenée à enquêter sur un étrange cartel sévissant sur la bordure extérieure. On appréciera aussi de retrouver plusieurs visages familiers, le principal étant ce bon vieux Han Solo dont les apparitions ponctuent l’ouvrage. Mais le clou du récit, c’est un événement majeur dans la vie de Leia, puisque on y apprend
que la galaxie (Ben Solo inclus) ignore la véritable identité du papounet des rejetons Skywalker et que ce secret va être dévoilé de la plus terrible des manières
(je mets les balises pour éviter de me faire engueuler mais c'est vraiment pas dur à deviner si vous prêtez un peu attention à la couverture). On assistera donc aux conséquences directes de cette choquante révélation et c’est selon moi à partir de là que le roman s'essouffle peu à peu. Si les répercussions immédiates sont fascinantes, le récit traîne malheureusement un peu trop en longueur sur son dernier quart, un écueil dans lequel évitait de tomber Lost Stars. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, on reste tout de même dans le très haut du panier en terme de roman Star Wars et Claudia Gray s’impose dorénavant comme une des artisanes majeures du pendant littéraire de l’univers étendu. Mais quid des questions laissées en suspens alors ? Le récit nous présente une Nouvelle République embourbée dans les querelles, entre sénateurs corrompus et nouvelle génération n'ayant pas connu les méfaits de l'Empire, et a le bon goût de nous placer au premières loges pour assister à la naissance des deux principaux belligérants de la nouvelle trilogie. Sur ce point, le contrat est plus que rempli. Concernant Leia et Han, qui sont pour le moment toujours ensemble malgré une relation à distance, l'ouvrage nous offre assez d’éléments pour pouvoir sans peine recoller les morceaux vers ce qui nous est présenté dans l’épisode VII. N’espérez toutefois pas en apprendre plus sur le jeune Ben Solo outre quelques bribes, puisque au moment des faits celui-ci est déjà parti s'entraîner avec son Jedi d'oncle à l'écart de toute distraction. On se doute bien que leur histoire sera au cœur des films à venir et n'est pas encore prête à être racontée.
Si ce n’est évidemment pas de la grande littérature, le style de Claudia Gray est toujours aussi agréable à suivre et ce roman se positionne d’ores et déjà en indispensable pour qui s’intéresse au contexte de la nouvelle trilogie. Pour ne rien gâcher, Bloodline constitue aussi un joli hommage au personnage de Leia qui a rarement été aussi bien mise en valeur et, bien qu’écrit avant sa disparition, à sa regrettée interprète.