Après la mort de David Jones, que pouvais-je faire ? Comme beaucoup d'autres, simplement regretter de n'avoir pu assister à l'un de ses concerts, pour finalement réaliser que d'avoir eu le privilège de participer à l'une de ses messes théâtrales et "rock'n rollesques" n'aurait finalement pas changé grand chose à ma surprise, ma déception, puis enfin ma mélancolie et ma douce langueur à la brusque annonce de son décès aussi fulgurant qu'inattendu (puisque je faisais partie de ceux qui ignoraient tout de son cancert du foie). Comme d'autres encore, je pouvais déplorer le fait de ne pas assez connaître son œuvre (les cinq premiers albums et puis c'est tout) et que sa subite disparition ne pouvait que rendre ma curiosité encore plus accrue à l'égard de certains de ses albums que je souhaitais découvrir depuis fort longtemps (parmi lesquels "Low", "Diamond Dogs", "Young Americans" et "Station To Station") tous ayant la réputation d'être de grands disques que j'aimais déjà avant même de les écouter.
Passant à la médiathèque un samedi matin, en petite famille, assouvir là ma soif insatiable de découvertes culturelles, c'est de manière purement fortuite que je tombais sur cette biographie de David Bowie, exposée sur un bureau à côté de classiques de son impressionnante et foisonnante discographie.
Ni une, ni deux, j'ouvris le volumineux ouvrage, constatait sur les pages les stigmates d'une édition mal pensée, bâclée, ne serait-ce que dans le choix de la police et surtout du fait de la présence sur chaque haut de page du titre du livre. En dehors de cette petite déception facilement oubliable, rien d'autre ne pouvait m'arrêter : en parcourant les premières pages, je fis le constat heureux que la vie du père de David Bowie n'était pas développée à outrance (du style : « le père de David, à partir de l'âge de 12 ans, commença à s'intéresser au saxophone, et la prédominance de la musique dans son entourage familial a sans conteste été le terreau de l'attrait de Bowie pour les sections cuivres, même si celui-ci – bla bla bla »...) ce qui était pour moi un plus : que l'auteur aille vite au cœur du sujet était pour moi l'évidence que je pouvais commencer à lire le livre à fond, sans barrières, sans aprioris. Avec tous ces éléments réunis, pendant que mon double "best of" tournait sans interruption depuis le début de la journée et que j'écoutais alors les tubes de Ziggy Stardust, le moment de découvrir la vie de David Bowie et l'origine de toute son œuvre artistique s'est donc imposée à moi sans vergogne, un peu comme un hologramme s'imposant à Bernadette Soubirous. Personnellement, la biographie de rocker a toujours été un genre qu'il m'ait été très facile de lire, et vite, plus encore que toute autre forme de littérature. Donc je démarrais ici en terrain conquis.


Que puis-je dire? Alors oui, c'est bien écrit. Oui, on en apprend, mais tout dépend des connaissances que l'on a sur Bowie.


Peut-être que la partie expliquant les débuts tâtonnants de Bowie, allant de 1964 à 1969, est trop longue, car plusieurs fois, le livre m'est tombé des mains, mais ça ne concerne sans doute que moi. De sessions de studios chères et donc difficiles à dégoter, de critiques croyant ou non en son talent naissant à la relation difficile avec sa mère, de la relation, plus facile, avec son père, à celle qu'il entretenait bon gré mal gré, avec son frère psychologiquement instable ...et tous ces groupes dans lesquels il a joué (The Lower Side, The King Bees, les Manish Boys), le début de cette oeuvre est intéressant, dense, mais l'ennui est en épée de damoclès.


Les choses sérieuses commencent avec la description du deuxième album (et, pour beaucoup, premier véritable album) de David Bowie : The Man Who Sold The World. A partir de là, tout va plus vite, les disques, les rencontres devenant ensuite collaborations fructueuses (Mike Ronson et Tony Visconti bien sûr, mais aussi Carlos Alomar et Brian Eno avec qui il a pu concevoir ces perles que sont "Low" et "Heroes", Robert Fripp, mais aussi Nile Rodgers pour "Let's Dance", ou encore John Lennon...), les excès, dont la cigarette (à un moment, il est même dit dans le livre que Bowie fumait de 60 à 80 clopes par jour?!), la coke bien sûr, et cette Angie toxique. Tout est dit, les hauts, les bas, son amitié avec Iggy Pop, forte, son séjour à Berlin, ses périodes de flop, de créativité (Station To Station, Low et Heroes, rien que ça, en à peine deux ans, tu le crois ça?!), les tournées superficielles des années 1980 (Glass Spider, etc...), tout y est. Mais les tourments de l'homme sont aussi là, ses questionnements, ses doutes, ses périodes sombres, son ambivalence envers certaines personnes, les controverses justifiées ou non (non ce n'était pas un vampire qui comprenait et exploitait les genres de son époque, c'était plutôt un homme clairvoyant qui savait, à partir de quelques phrases ésotériques, directives ou conseils, tirer le meilleur de musiciens qui n'auraient même pas soupçonné un seul instant l'énergie créatrice réveillée en eux), dont il était l'objet.


Donc c'est dense, complet, et les parties évoquant les enregistrements des albums sont particulièrement bien relatées (je le sais, j'y étais), en ce sens qu'un langage technique spécifique aux sessions et au matériel de studios est utilisé, sans que cela ne soit indigeste.


Un bon livre sur la vie de David Bowie, accessible.

ErrolGardner
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le 13 mai 2016

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