Après L'île des hommes déchus de Guillaume Audru, voici Terminus Belz, d'Emmanuel Grand, encore un polar franco-français, encore un premier roman.
Cet auteur vendéen nous emmène au large de Lorient dans une petite île bretonne qu'il a choisi de nommée Belz.
Belz sera le terminus de la cavale de Marko, un ukrainien passé à l'ouest : une odyssée rapide et violente qui se termine mal pour les passeurs roumains et véreux et pas très bien pour les compagnons d'infortune de Marko. Le voici planqué en l'île, espérant échapper ainsi à la mafia roumaine toujours à ses trousses.
Les îliens voient d'un mauvais œil cet "immigré" qui se fait passer pour un grec et qui vient prendre une place sur un chalutier : l'île n'est pas grande et les poissons se font de plus en plus rares.
Il n'y a que Joël pour prendre Marko en affection, qui a perdu son fils en mer et qui voit peut-être là une nouvelle compagnie pour les sorties en mer.
Il est d'ailleurs pas mal question de pêche, ce qui nous vaut quelques belles scènes en mer.
Mais le temps va vite se gâter pour Marko : un cadavre est découvert sur une plage, salement mutilé. Un de ceux qui ne voulaient pas trop de bien à notre faux grec. En plus de la mafia roumaine, voilà maintenant que la police française s'intéresse à Marko : Belz n'était peut-être pas une bonne idée de planque.
Les esprits s'échauffent sur la petite île qui vit en vase clos et où l'on tourne vite en rond : les superstitions resurgissent depuis la forêt, le curé vitupère du haut de sa chaire, les rancœurs macèrent dans l'alcool, la bêtise prospère au seul café du coin ...
Les fantômes du passé débarquent et revoici l'Ankou, un avatar breton de la Grande Faucheuse, qui vient réclamer son dû.
On retrouve là une ambiance assez proche de l'Armée furieuse animée par Fred Vargas, l'humour en moins, lorsque les peurs ancestrales et les vieilles croyances viennent se mélanger confusément à des actes criminels bien d'aujourd'hui.
Le bouquin d'Emmanuel Grand est plutôt bien écrit, une prose professionnelle mais un peu formatée au standard actuel et anonyme des polars, et il faut reconnaître qu'au fil des pages, son scénario devient de moins en moins crédible, tant pour la partie mafia roumaine que pour le volet bretonnant.
On déplore quelques clichés qui pèsent un peu lourds comme cette inutile romance avec la si gentille institutrice qui n'attendait que notre malheureux et valeureux héros.
On s'exaspère aussi de l'intrusion horripilante d'e-mails dans cette histoire : encore une fois, quitte à passer pour ringard, on ne comprend pas pourquoi les auteurs contemporains cherchent ainsi à faire pseudo-moderne et soit-disant branché. À moins qu'il s'agisse là d'une facilité scénaristique un peu paresseuse ?