Traité d’urbanisme publié en 1961, ce texte est une analyse en profondeur des causes et effets qui poussent des quartiers ou des villes entières à péricliter avec le temps, avant de parfois renaître de leurs cendres. Le concept central de l’oeuvre : la diversité. Selon Jacobs, à la base de tout quartier vivant et prospère, il faut de la diversité : des usages variés (résidentiel, commercial, manufacturier, culturel…), des rues courtes, des populations diverses (et nombreuses), et des bâtiments d’âges variés. Or, ces 4 conditions sont difficiles à réunir, de nombreuses menaces empêchent leurs mises en place simultanées. Alors comment gérer et favoriser cette diversité dans un tel contexte ? Jacobs donne ici son point de vue sur la question.
Et il semblerait que sa solution soit de commencer par faire table rase de toutes les théories urbanistes communément acceptées par la profession depuis la fin du XIXème siècle. Jacobs s’inscrit à 100% en faux par rapport aux concepts de Cité-jardin ou de Ville Radieuse (le bébé de Le Corbusier), ces cités aux plans dessinés par une organisation centrale, statisticienne, et déconnectée de "la réalité de la rue". L’urbanisme devrait plutôt se concentrer sur les usagers, et opérer des changements progressifs qui respectent l’humain et son usage de la ville.
J’ai trouvé ce traité très technique pour le néophyte que je suis dans ce domaine. Voir même carrément sec par moments. Quelques commentaires drôles ou cinglants pointent tout de même le bout de leur nez. Et surtout, le texte est saupoudré de commentaires acerbes s’inscrivant en droite lignée du mouvement des droits civiques des années 1960, et invitant à stopper les ségrégations raciales (entre autres). On sent une auteur qui aime profondément les citadins, et veut ce qu'il y a de mieux pour tous !
Bien que se concentrant exclusivement sur les villes américaines et leurs blocks orthogonaux, les concepts abordés m’ont permis d'avoir un éclairage nouveau sur les aberrations que représentent ce que l’on appellera les “Grands Ensembles”, bâtis entre 1955 et 1970 en France. Comment ces quartiers construits en dehors des centres urbains, ne présentant que trop peu de diversité d’usage, et artificiellement sortis de terre en quelques mois pouvaient-ils être un terreau social et culturel positif ? Un grand nombre de ces quartiers auront malheureusement le futur que l’on leur connaît.
Bref, une lecture ardue, mais importante pour mieux appréhender des problématiques qui secouent toujours notre monde quelques 55 ans après la parution de l’oeuvre.