Malheureux est le chroniqueur qui souhaiterait résumer la trame de The Night : même la quatrième de couverture du roman de Rodrigo Blanco Calderon ne lui sera de (presque) aucune utilité. Ce livre monstrueux et polyphonique est de ceux qui s'avèrent aussi difficiles à lire qu'à synthétiser. Le personnage principal en est le Venezuela et ses années de dictatures et de tortures, de morts violentes et de coupures d'électricité qui ont plongé le pays dans les ténèbres voire vers un nouvel âge de pierre. Trois protagonistes sont au premier plan : un psychiatre, un écrivain et un publicitaire. Mais ils sont loin d'être seuls dans une déferlante narrative qui nous fait remonter le temps et voyager de Varsovie à Paris, de Caracas à Athènes. Les personnages du livre apparaissent puis disparaissent au fil des pages, réels ou de fiction dans ce roman qui est un mélange de policier et de gothique violenté par la musique du groupe de rock atypique Morphine. C'est à une sarabande nocturne que nous convie Blanco Calderon où la littérature, la peinture, la politique, le crime, la psychanalyse et les jeux vidéos alimentent la grande chaudière délirante entretenue par l'auteur. De mises en abymes en failles temporelles, The Night est aussi complexe et diffus que parfois divertissant, notamment quand il s'amuse avec les mots : anagrammes et palindromes en tête (au passage, chapeau pour la traduction). Dans ce labyrinthe littéraire il n'y a pas d'autre choix que de s'abandonner au récit fragmenté et erratique sans chercher où le romancier nous entraîne. Une expérience douloureuse pour le lecteur cartésien que nous sommes tous peu ou prou mais qui se révèle finalement gratifiante, au moins par instants.