Moins connu qu'Indridasson, Thorarinsson est le deuxième auteur de polars islandais que j'apprécie. L'un et l'autre évoquent d'ailleurs la société islandaise d'aujourd'hui, sur le registre commun des transformations qu'elle connait, sous l'influence de la mondialisation, qu'ils jugent d'ailleurs tout deux néfaste. Toutefois, Thorarinsson, qui journaliste et non pas historien, se penche moins sur le passé de son pays que ne le fait son homologue. Ses romans ont ainsi plus des allures de chroniques sociales, souvent sur fond de corruption des élites et de jeunesse déboussolée, cette dernière se noyant en général dans une débauche d'alcool, de drogue et de sexe, cela provoquant des drames qui donnent lieu aux enquêtes de son personnage principal, Einar, journaliste de son état.
Et Einar n'est pas tout à fait identique à Erlendur : ce n'est pas un rêveur mélancolique, il est plutôt du genre débrouillard cynique (qui se débat en outre avec une vie compliquée). Ça donne à ce roman, comme aux précédents (Treize jours est le sixième opus des aventures d'Einar) une tonalité qui se différencie de celle des romans d'Indridasson : moins émotionnelle et plus acérée. C'est bien écrit, il y a du rythme, les scénarios se tiennent. Par ailleurs, sous-jacente dans ce bouquin comme dans les précédents, on y trouve une réflexion sur l'indépendance de la presse et le métier de journaliste, que je ne peux m'empêcher de trouver plutôt salutaire par les temps qui courent. Un fil rouge, également, les titres sont toujours tirés d'un morceau de rock'n'roll, ici J.J Cale, et auparavant, les Kinks et Willie Dixon, par exemple. Monsieur Thorarinsson a des références.
Je m'aperçois que jusqu'à présent, j'ai bien plus parlé de la série dans sa globalité que de ce bouquin à proprement parler. Il est vrai que, s'agissant de l'histoire personnelle d'Einar et des péripéties que connait le Journal du Soir, pour lequel il travaille, les épisodes se suivent (un peu comme dans Fidelma). Je ne saurais donc trop conseiller à ceux qui voudraient découvrir Thorarinsson de commencer par le commencement, en l’occurrence par "Le temps de la sorcière", qui est aussi à mes yeux l'un des meilleurs de la série. Car l'un des défauts de l'auteur, malgré tout, est qu'il a un peu de mal à se renouveler. Et que donc, ce "Treize jours", s'il tient la route honnêtement, n'est pas non plus d'une folle originalité par rapport à ses prédécesseurs.