Nous sommes en 1996 et Kurt Vonnegut a écrit une première mouture d’un roman mettant en scène son alter ego de fiction, l’écrivain de SF Kilgore Trout. Un tremblement de temps vient de contraindre l’humanité à revivre la dernière décennie (enfin de 1991 à 2001), sans pouvoir y modifier quoi que ce soit. Le retour au libre arbitre désarçonne tout le monde… Mais si l’auteur n’a jamais renoncé à la « production d’agencements idiosyncratiques de vingt-six symboles phonétiques, dix chiffres et environ huit signes de ponctuation en lignes horizontales à l’encre sur de la pulpe de bois blanchie et aplatie », reprendre et corriger ce roman l’ennuie. À la place, il nous en donne des extraits et nous explique ce qu’il aurait voulu faire, tout en devisant de différentes choses. Mélange de chroniques, de billet d’humeur, de confidences voire de confessions, ce texte déroule son charme puissant et même sans connaître l’oeuvre de cet auteur on ne peut qu’être sensible à la vitalité de sa plume et à son humour féroce.



« Une bande de mecs comme nous est allée traquer le cerf et l’orignal au Canada. Il fallait que quelqu’un se charge de la cuisine, sinon ils mourraient tous de faim.
Ils tirèrent à la courte paille qui ferait à manger pendant que les autres chasseraient de l’aube au crépuscule. (…) c’était mon père qui avait tiré la courte paille. Papa savait cuisiner. (…)
Les chasseurs se mirent d’accord : quiconque se plaindrait de la cuisine de mon père deviendrait cuisinier à son tour. Mon père préparait donc des repas de moins en moins bons pendant que les autres s’éclataient comme des petits fous dans la forêt. Même quand le souper était infect, les chasseurs le qualifiaient de délice à se lécher les babines, lui donnaient des claques dans le dos et tout le tralala.
Un matin, après leur départ, mon père trouva une grosse bouse d’orignal toute fraîche. Il la fit frire dans de l’huile de moteur. Le soir, il la servit comme s’il s’était agi d’un pâté en croûte encore fumant.
Le premier qui goûta recracha tout. Il n’avait pas pu s’en empêcher ! Il postillonna :
« Nom de Dieu ! On dirait de la bouse d’orignal frite dans de l’huile de moteur ! »
Puis il ajouta :
« C’est fameux ! Fameux ! »>


LaurenceIsabelle
8

Créée

le 8 janv. 2019

Critique lue 159 fois

Sylvie Sagnes

Écrit par

Critique lue 159 fois

D'autres avis sur Tremblement de temps

Tremblement de temps
TmbM
6

Critique de Tremblement de temps par TmbM

Pas particulièrement bien écrit mais agréable à lire, brillant et souvent intéressant - bien que parfois imperméable - ce livre est finalement un bon moyen d'en apprendre plus sur l'auteur du...

Par

le 11 sept. 2018

Du même critique

L'Arbre-monde
LaurenceIsabelle
8

"Une fois qu’on a acheté un roman en pyjama, on ne peut plus faire marche arrière."

« A Bellevue, dans l’Etat de Washington, il décroche le job idéal : manutentionnaire amélioré, il arpente sur son mini-chariot élévateur un énorme entrepôt d’un supermarché de la culture en ligne, un...

le 6 sept. 2018

10 j'aime

VNR
LaurenceIsabelle
9

Une gouaille inimitable

Un quinquagénaire au chômage que sa femme a quitté pète les plombs et kidnappe les quelques personnes qu’il tient pour responsables de son malheur. A première vue, rien qui donne très envie...

le 1 juin 2018

6 j'aime

Miss Islande
LaurenceIsabelle
8

« Avec toi on manque de ténèbres, Hekla. Tu es la lumière. »

Quand Hekla est née, son père lui a donné un nom de volcan, sa grande passion dans la vie. Quelques années plus tard, nous sommes en 1963, elle quitte sa ferme natale pour la capitale, Reykjavik, où...

le 5 sept. 2019

5 j'aime