J’ai un poème et une cicatrice. De ma lèvre inférieure jusqu’au
tréfonds de ma chemise, il y a cette empreinte de l’histoire, cette
marque indélébile que je m’efforce de recouvrir de mon écharpe afin
d’en épargner la vue à ceux qui croisent ma route. Quant au poème, il
me hante comme une musique entêtante, ses mots rampent dans mon crâne
d’où ils voudraient sortir pour dire leur douleur au monde. Poème et
cicatrice font partie de moi au même titre que mes jambes, mes bras
ou mes omoplates. Je ne me sens pas tenu de les examiner pour savoir
qu’ils existent. J’ai seulement appris à essayer de les oublier.
Le visage dissimulé derrière une écharpe, dont il ne soulève qu’un coin pour boire ou pour manger, le personnage central d’«Une bouche sans personne» mène une vie routinière et essentiellement solitaire, pour ne pas exposer ses secrets ni sa cicatrice. Dans l’entreprise où il exerce le métier rassurant de comptable, il fuit la convivialité artificielle des relations entre collègues, et décourage toute amorce de relation en se réfugiant dans son petit bureau derrière des colonnes de chiffres.
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