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Parabole de la métaphore de l'allégorie

Quête de sens, réflexe pavlovien du lecteur ?
On pourrait s'épuiser à chercher un sens à ce récit. A savoir une leçon à tirer, un fil secret à tirer de l'écheveau, le fond qui a engendré l'allégorie...


Voici une réalité aléatoire bien trop concrète pour être innocente. La fantaisie de cet autre monde n'est guère merveilleuse. Un pays fait de travail aux docks ou dans les bureaux d'une assistance sociale qui semble pouvoir aider tout un chacun avec des moyens limités, de matchs de football, d'administration s'inquiétant de l'éducation des plus jeunes, de résidences aisés et de barres d'immeubles, une langue espagnole de communication universelle...


L'imaginaire ne s'y exprime que par petites touches : des relations sociales dirigées par une toute-puissante bonne volonté, une banalisation de l'amour charnel qui ne transporte pas grand-monde, une certaine pénurie alimentaire qui n'inquiète pas des gens se contentant de peu, le Benengeli crée par Cervantes comme auteur fictif de son Don Quichotte annoncé comme l'auteur réel sur les couvertures des récits de l'Ingénieux Hidalgo de la Manche dans les bibliothèques, une indulgence pour les vols au grand jour (ce ne sont pas des vols car on ne s'en cache pas), des cours de philosophie sur les concepts de chaise et de table... Mais surtout, il y a cette condition reconnue au grand voyage vers ce pays ; les migrants qui l'ont effectué par bateau, accueillis ensuite dans des camps de transit avant leur insertion sociale, ont accepté de perdre toute mémoire de leur vie d'avant. Ils n'arrivent qu'avec leur instinct et leur enveloppe physique, prêts au nouveau départ.


Cela paraît trop ou trop peu. Ce n'est pas anodin mais ça n'a pas de signification (ou plutôt, c'est si ouvert que cela m'en a trop laissé).
Ce pourrait être un pied de nez, finalement. Un jeu d'auteur prenant son lecteur au piège, son lecteur avide de sens caché derrière l'allégorie, son lecteur insatiable chercheur de réponses, son lecteur scrutant chaque indice, chaque clin d’œil, arpentant chaque piste, pour... se retrouver face au néant. Ou au chaos, selon qu'on s'échine à démêler ces fils ou qu'on abandonne sa quête de sens pour ouvrir grand son esprit à l'expérience sensuelle.
Hélas, je n'ai fait que passer d'une option à l'autre, ennuyé par cette histoire qui en elle-même tourne à vide si l'on ne parvient pas à y insuffler un sous-texte.


Que voulez-vous dire ? ou Une histoire sans vagues
Si je pouvais m'adresser à l'auteur, je lui dirais "Que voulez-vous ? Que voulez-vous dire? Non, ne me donnez pas, si toutefois elle existe, la clé de l'énigme. Soit elle me viendra plus tard, soit je l'ai manquée, soit elle n'existe pas. Je ne veux pas la rencontrer ailleurs que dans l’œuvre.


Non, quand je dis Que voulez-vous dire, j'entends par là Qu'est-ce qui gouverne une telle entreprise ? Vous ne vouliez pas raconter la réalité du travail dans les docks; vous l'auriez fait sans détour dans des docks de notre monde. Pourtant vous vous y attardez. Il en est de même pour le parcours de nouveaux arrivants en terre étrangère. Et ainsi de suite.
Vous aviez gardé quelques mystères mais m'aviez embarqué dans un autre de vos récits "fantaisistes", En attendant les barbares. Il restait des fortes impressions, des angoisses, quelque fièvre du cœur. Et le lointain miroir évident tendu au régime de l'Afrique du Sud qui vous vit naître.
Ici tout paraît prétexte, tout paraît esquive.


Que voulez-vous ? Que voulez-vous dire ?..."


Ainsi demeure une histoire sans vagues, une acculturation avec ses heurts et sans grande conviction, un parcours dont l'étrangeté ne séduit pas assez, une sorte de rêve mais, là où Le Procès de Kafka était un cauchemar éprouvant et angoissant, là où En attendant Godot de Beckett était un navire sans voile et sans gouvernail voguant pour le plaisir de la surprise, il s'agit ici d'un rêve finalement assez réaliste qui ne suscite guère de passion. Un rêve logique et froid.


Ça s'étire en longueur sur des concepts simples, comme au travers des yeux d'un enfant mais également lorsque l'enfant de l'histoire n'est pas présent. Ce pourrait être un exercice de style s'il y avait un vrai jeu derrière. Mais cela se prend trop au sérieux.
Quelques péripéties s'invitent sans tordre le fil trop paisible du récit.


Alors bon sang, où veut-on en venir ? C'est étrange de demander si souvent cela à des mots imprimés sur des pages. L'écriture est d'une limpidité solaire, courte et directe. J'y suis, je voyage, je suis prêt à embarquer. Mais où ?
Parfois, un début de frémissement dans la relation entre l'homme et l'enfant. Je songeais qu'il aurait fallu peut-être s'en contenter, alors. Effacer tout l'attirail étrange de ce conte initiatique (qui à force d'attirail, justement, n'en est pas vraiment un), et laisser toute sa place, en un univers sans cohérence, sans contour, à ces leçons d'un homme raisonnable à un esprit tellement ancré dans le refus de la réalité qu'il fait douter l'ancien de sa propre raison. Un esprit hermétique et paradoxalement ouvert à l'inattendu.


Vous avez dit 'Une enfance de Jésus' ?
Ça aussi, ça n'est pas une coïncidence. Petit jeu : imaginez le million de titres possibles qu'on pût donner à ce roman. Qui trouverait celui-ci, après lecture ? Je lis çà et là que l'auteur se livre à une relecture du mythe. Moi qui croyais à une simple malice.


Relecture du mythe de Don Quichotte, à la rigueur, de manière retorse et très lointaine, sur l'interpénétration du réel et de la fiction, du pouvoir de l'auto-persuasion, de la grandeur du banal dans l'imaginaire fécond, oui. Mais Jésus ? Une relecture ?


Voyons. L'enfant est un être exceptionnel mais incompris, qui s'émeut de la mort des animaux et des êtres, et souhaite tout faire pour leur redonner vie. On le met dans les bras d'une mère qu'il affirme ne pas être la sienne, bien que son protecteur l'ait tout de suite vue comme telle (il l'a simplement reconnue dans son âme, comme si elle avait été la mère dans l'ancien monde puis l'avait oublié). Mais la relation mère-fils est peu esquissée, cette dernière devenant un parangon de mère protectrice et couveuse, laissant la part belle à la sorte de passion parrain-filleul entre ce protecteur malgré lui et l'enfant qui l'impressionne autant qu'il peut l'agacer dans son entêtement.


Puis on assiste à la fuite d'un système pétri de bonne volonté, qui semble-t-il sans violence veut simplement plier l'enfant aux règles éducatives, évoquant la fuite en Egypte, entouré de ses parents de substitution... Bon.


Le bien-fondé de cette relecture m'a échappé, alors. J'y ai vu davantage un jeu des allusions; la coquetterie de prendre comme figure d'inspiration de cette parabole l'homme qui s'exprimait par paraboles.
C'est fou comment tant de simplicité dans le récit peut provoquer tant de confusion.


Non, rien à faire. Je ne veux dire qu'une chose, c'est :
"Que voulez-vous dire ?"

Oneiro
5
Écrit par

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le 4 avr. 2020

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Oneiro

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