J’avais lu « Partie italienne » d’Antoine Choplin, dans le cadre du Prix A livre ou verre. Si j’avais été charmée par le style, je n’avais pas vraiment accroché avec ce roman. Déçu que la rencontre ne se soit pas faite avec cet auteur, Guillaume @nouvelleetcie m’a orientée vers « Une forêt d’arbres creux ». C’était un conseil excellent. Je me suis définitivement « rabibochée » avec Antoine Choplin : un très petit livre de 116 pages pour un très grand roman !
Décembre 1941, dans le ghetto de Terezin, Bedrich est désigné responsable du bureau des dessins d’architecture. Contraint par les nazis, le jour, il conçoit plans, aménagements, embellissements des monuments, bâtiments et façades, selon leurs ordres. Puis, en pleine nuit, il s’emploie toujours à dessiner, mais « ce qui se fabrique » est de nature et visée bien différentes…
Je pensais avoir déjà lu de nombreux livres sur l’horreur des camps, c’était sans compter sur Antoine Choplin, qui trouve les mots sobres pour nous en raconter l’éprouvé et nous faire apercevoir sous l’insupportable, parfois, « un je-ne-sais-quoi d’étincelant et de dérisoire : un peu d'espoir ».
Ce ghetto où la notion de solitude disparaît, le trouble des sanglots et la pudeur des silences, « ce qu’ils disent de cette douleur, moins vive que sourde et sans faille », « la souffrance des jours, l’envie d’une miche de pain » visibles d’abord « à leurs traits marqués, à leurs orbites profondes, à la courbure légère de leur échine ».
Quelle est cette « palpitation invincible », ce « battement fossile que rien ne fera taire » ? D’où vient-elle cette rage de vivre, de continuer, qui fait tenir ?
A l’urgence et l’importance de témoigner de la réalité du ghetto ? A ces moments volés, dédiés « à la représentation de la réalité, sensible et nue (…) librement, sans consigne d'aucune sorte » ?
Quand les mots sont impuissants, toujours en-dessous de la réalité, la peinture, le dessin, la poésie, « l’apport sensible et subjectif de l’artiste » pourraient-ils davantage en rendre compte ?
L’art serait-il alors une futilité essentielle ? « Une vétille, qui pourtant se dresse encore avec force, par surgissements. »
Un roman poignant, un style sobre, des mots qui suggèrent, font voir et ressentir, des mots si bien choisis qu’ils deviennent dessins.
Roman paru en 2015, inspiré de la vie de l’artiste Bedrich Fritta, au camp tchèque de Terezin.