Quoi de mieux, pour le mariage de Fidelma, qu'une belle énigme policière, bien classique et bien embrouillée, à résoudre ? Franchement, qui pouvait attendre qu'il en aille autrement pour celle qui se démène aux quatre coins du monde connu au septième siècle à pourchasser et à confondre les meurtriers les plus dégénérés qui soient ? Vous espériez quoi : qu'elle puisse se marier tranquillement et partir en voyages de noces ?
Pauvres naïfs ! Déjà qu'elle enchaîne les enquêtes à un rythme et avec une profondeur à faire pâlir d'envie l'I.G.P.N (bien connue pour sa promptitude et son souci du moindre détail) et qu'en plus, elle aura tout de même mis seize épisodes à convoler en justes noces avec son moine saxon. C'est à peine si elle aura eu le temps de concevoir un enfant, hors mariage d'ailleurs, mais pas tout à fait en réalité selon le droit irlandais de l'époque, qui autorisait à se mettre à la colle durant un an avant d'officialiser définitivement. Toujours est-il qu'en matière de cadeau de mariage, Tremayne l'a gâtée, avec une belle énigme, très classique dans sa construction. Avec, comme dans certains romans Agatha Christie, une victime que tout le monde déteste, un peu telle la police en France de nos jours. Du coup, les suspects sont multiples.
L'occasion au passage, pour l'auteur, d'enfoncer un peu plus le clou sur les ravages du christianisme romain et de ses Pénitentiels, qui préfigurent assez bien ce que sera l'inquisition quelques siècles plus tard. Et de, naturellement, l'opposer au christianisme irlandais (église de Colomba) qui apparaît du coup et une fois de plus comme furieusement moderne et tolérant. A ce stade d'avancement de la série, il est devenu évident que c'est une thèse que Tremayne défend, mais il y a tout de même de quoi se poser des questions lorsqu'on voit les exactions et massacres qui jalonneront l'histoire du catholicisme romain.
Et la chute, assez inattendue, de ce très bon polar , ouvre également des perspectives, voire une réflexion, sur la justice. L'esprit ou la lettre : telle est la question. Salutaire, en tout cas.