Charlotte Riddell (1832-1906), l’une des femmes écrivains les plus fécondes de son temps, a connu successivement la gloire et la déchéance. Ses incursions dans le fantastique sont nombreuses et réussies, comme le prouvent son roman « La maison inhabitée » (critiqué sur ce site), mais aussi ses dizaines de récits surnaturels. C’est dans cette œuvre encore inédite en français qu'a puisé Jacques Finné : il a sélectionné, traduit et postfacé quatre histoires représentatives du style de l’auteure. Ces quatre nouvelles ont un même point de départ : un protagoniste, a priori rationnel, est amené à enquêter sur d’étranges apparitions. S’il y a bien une énigme, des recherches et des interrogatoires, ces récits n’appartiennent pas pour autant au genre policier. En effet, tout porte à croire que le héros est confronté à des manifestations immatérielles. De plus, il agit pour des motifs personnels, comme gagner de l’argent, prouver sa valeur, réparer une injustice commise par ses ancêtres ou tout simplement préserver sa santé mentale.
Voici un petit résumé pour vous mettre en appétit, sans entièrement dévoiler les mystères du recueil.
« La porte ouverte ». Sandy Edlyd n’a décidément pas de chance! Avec sa mine d’Ecossais grognon, il s’attire les moqueries de ses collègues de bureau et même les foudres de son patron. Le voilà renvoyé, sans ménagements ni moyens de subsistance. Pour dix livres et les beaux yeux de sa fiancée, il accepte de mener l’enquête dans la maison de Mr Carrison, que l’on dit hantée. Toute son audace servira dès lors à … refermer une porte. Mais la mission s’avère moins facile qu’il n’y paraît.
« Walnut-Tree House » (La maison au noyer). Un petit garçon déguenillé peut-il effrayer un aventurier fraîchement débarqué du bush australien ? Et pourquoi pas, si l’enfant appartient à l’autre monde ! Mais une fois cette vérité admise, il faudra que le propriétaire comprenne ce qui pousse l’ombre de Georgie à fouiller sans repos, de pièce en pièce, dans la maison de ses ancêtres.
« Nut Bush Farm » (La ferme aux noyers). Un citadin décide de se faire gentleman farmer dans un domaine qui semble idyllique. Mais comment goûter aux joies de la campagne avec cet individu qui joue les épouvantails sur le sentier de la propriété ? Face à l’effroi des paysans et pour ménager sa propre famille, notre héros va mener l’enquête dans le village.
« Une terrible vengeance ». Les trois nouvelles précédentes mettent en scène des personnages qui s’installent dans des lieux maudits ; mais ici le phénomène inexpliqué suivent Mr Murray dans le train, à l’hôtel et même au-delà des mers. Il s'agit de traces de pas humides, des petits pieds bien actifs! Cette persécution d’outre-tombe inspire à Davis, le domestique, une idée peu honorable : il va rassembler des indices dans but de faire chanter son maître.
Typiquement anglaises, ces « ghost stories » des années 1880 n’en sont pas moins originales. Il faut tout le talent de Mrs Riddell pour concilier ainsi le fantastique et le quotidien, l’angoisse et l’humour, la tradition et la modernité.