Le premier roman de Doris Lessing. J’en retiendrai, comme pour Le Carnet d’or, une modernité épique et l’intensité folle qui traverse le personnage de Mary.
Mary Turner est une femme dont on observe l’écroulement psychique, le plongeon funeste jusqu’à son assassinat annoncé.
On la découvre jeune, globalement satisfaite et indépendante, puis humiliée par les commérages de ses amis à propos dans son célibat prolongé. En cherchant à réparer cette humiliation, elle se fourvoie, thème qui semble cher à l’auteure. Elle se fourvoie sans retour en arrière envisageable et en subit toutes les conséquences psychologiques. Fini le dynamisme de la vie d’avant, la voilà prisonnière du veld où toutes les forces actives l’atteignent avec placidité et lourdeur. Place à la frustration et à l’ennui, à la violence mêlée au racisme exacerbé, à la rage et la crainte primitives. On s’enfonce jusqu’à un final d’une expressivité autant sensuelle que cauchemardesque.
A bien des égards, ce livre m’a rappelé la littérature de Coetzee, sur cette Afrique du Sud grondante et impitoyable. Le Carnet d’or fait de l’ombre au reste de l’œuvre de Doris Lessing, mais si tout est aussi saisissant, il faut tout lire d’elle.