Ecrivain de marine, Dominique LE BRUN a rédigé plusieurs biographies dont celle de Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban (1633-1707) en 2016 (nouvelle édition en 2023) à 62 ans. Le livre comprend un avant-propos (15 pages) et 8 chapitres, complétés par une chronologie de la vie de Vauban dans son contexte historique (13 pages) et la liste des œuvres (12) de Vauban inscrites, en 2008, au patrimoine mondial de l’UNESCO, en raison de leur universalité. Ce qui est peu puisque Vauban a travaillé sur 300 sites anciens et 33 neufs. Il possédait un château à Bazoches (Nièvre) dans le Morvan, au lieu-dit Vauban, où vécut sa femme. L’auteur, loin de rédiger une biographie chronologique qui aurait été ennuyeuse [Vauban a participé à 53 sièges (dont celui de Douai, en juillet 1667, à 34 ans où une balle de mousquet lui provoqua une brulure et une tache noire sous la pommette gauche) en 56 ans de carrière], dresse une synthèse et une analyse de Vauban, plus ingénieur [métier qu’il apprend avec Louis-Nicolas de Clerville (1610-1677)] et économiste (il s’intéresse aussi au transport par voie d’eau) que militaire, montrant sa rationalité, sa vision à long terme, son esprit critique et réformateur (il ne sera nommé Maréchal de France par Louis XIV qu’en 1703, à 70 ans), et finalement sa modernité, d’où le sous-titre du livre. Bien que Vauban pense que la vie humaine a peu de valeur, il préfère l’économiser (« La sueur épargne le sang ») pour éviter que les bras ne manquent lors du retour à la paix (cf. la main d’œuvre nécessaire à la moisson). Il se différencie des militaires, pour qui seuls l’action prime, de préférence héroïque. Pour lui, aucune forteresse ne peut résister à plus de 48 jours de siège. Connaissant le problème de la vénalité du commandement d’un régiment, il privilégie la réduction des frais. Pendant le règne de Louis XIV (77 ans dont 53 ans de guerre !), Vauban a connu la guerre de Trente ans (1618-1648), de Dévolution (1667-1668), de Hollande (1672-1678), d’Augsbourg ou guerre de Neuf ans (1688-1697) et de succession d’Espagne (1701-1714). En 1690, 450 000 hommes étaient mobilisés (sur 20 millions d’habitants). Vauban proposa la création de milices locales. Sa réforme la plus militaire concerne l’armement du fantassin, à la suite de la guerre de la ligue d’Augsbourg qui a révélé qu’il était obsolète : Vauban impose le fusil à pierre (utilisé par les Anglo-Hollandais), dit fusil de Vauban (pesant 4,75 kg et mesurant 1,63 m de long) avec fixation d’une baïonnette. Il a perfectionné le système de défense (né en Italie) et a standardisé le calibre des munitions pour faciliter la gestion des stocks. Vauban invente la notion de pré carré (1673) : faire un pré carré, pour un propriétaire, signifie acquérir les terres voisines et désigne le domaine réservé où quiconque n’empiète pas. Pour Vauban, le principe du pré carré consiste à établir une chaine de défenses (ceinture de fer) garantissant l’inviolabilité du royaume, notamment dans le nord (2 lignes parallèles avec 29 sites) et l’est de la France. Il déplore la révocation de l’édit de Nantes en 1685, entrainant l’émigration des Protestants et privant la France de compétences (80 à 100 000 personnes) et grossissant les armées ennemies (5 000 officiers et 10 000 soldats). Vauban estime que « contre la conviction et la foi, les mesures coercitives non seulement restent impuissantes mais risquent d’aboutir aux résultats inverses de ceux espérés » (cf. les dragonnades et la révocation de l’édit de Nantes). Pour lui, on ne lutte contre une opinion que par des arguments. Il a compris l’importance des territoires d’outre-mer, comme Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) et son fils Seignelay (1651-1690), mais contrairement à François-Michel Le Tellier (1641-1691), marquis de Louvois et Louis XIV (1638-1715)). Six ans après sa mort, après la guerre de succession d’Espagne, le traité d’Utrecht (1713) enlève à la France, Terre-Neuve et l’Acadie (Nouvelle-Ecosse). Vauban a parcouru 180 600 km en 57 ans de service soient 3 168 km / an, soient 112-142 jours / an, ≈ 4-5 mois / an sur la route. Il ne résida que 20 mois au total à Bazoches. Il a pu observer lors de ses nombreux déplacements la misère des gens et l’appauvrissement du pays. Il participa au chantier de l’aqueduc de Maintenon (pour alimenter les fontaines de Versailles à partir de l’Eure), opération pharaonique et dispendieuse qui dura 10 ans. Il rédigea un projet fiscal (dime royale) qui supprimait toutes les autres taxes (taille, gabelle, etc.) et dépendait du revenu réel de chacun (sans exclusion) mais sa publication fut interdite en 1707, quelques semaines avant sa mort. Ses obsèques ont eu lieu le 1er avril 1707 en l’église Saint-Roch à Paris, contrairement à Henri de la Tour d’Auvergne dit Turenne (1611-1675), lui aussi Maréchal de France mais à 32 ans et qui sera inhumé à la basilique Saint-Denis, et il faudra attendre le 1er Empire pour que le cœur de Vauban gagne les Invalides.