Est-ce que Ventus est pulp?

Ventus est un roman bizarre. Si vous l'ouvriez sans avoir aucune idée du contenu, vous pourriez bien croire être tombé sur encore une autre histoire de jeune paysan élu qui devient un héro. Et je comprendrais votre déconfiture. Le premier acte très Fantasy de Ventus manque tristement de caractère et de style. Cela dit, il est vite établi que les apparences sont trompeuses. On s’éloigne petit à petit des sentiers clairement marqués de la Belgariade ou de la Roue du Temps, et la science-fiction prend racine fermement et irrémédiablement au cours du deuxième acte.

Ce deuxième acte est salvateur. Si le personnage principal, Jordan Mason, reste un héro un peu unidimensionnel, de nombreux seconds rôles se développent de façon intéressante: les agents Calandria May et Axel Chan qui escortent Jordan et lui ouvrent les yeux sur son monde, le méchant Armiger et son hôtesse Megan, la reine Galas et le général Lavin. Ces interactions sont intelligemment mises en profondeur et enrichies de thématiques SF amenées avec ambition et réalisme à la fois. Nanotechnologie, terraformation, mais surtout intelligences artificielles bienveillantes ou malveillantes... Si le thème médiéval ne disparaît complètement, on est finalement plus proche du cycle de la Culture ou même de Justice Ancillaire.

Vers la moitié, j’étais complètement revenu sur mon opinion. Pardonnés les premiers chapitres nazes au possible, oubliée mon impression de lire une mauvaise fan-fiction. J’étais à fond dedans. Tous les personnages, gentils, méchants, ou indéterminés, quels que soient leurs objectifs, avaient des raisons valides pour poursuivre leurs desseins, apparemment contradictoires.

C’était bien sur trop beau pour être vrai. L'auteur sort une menace sinistre et unificatrice comme un magicien sort un lapin d'un chapeau. Tout le monde se met d'accord et on évite la difficulté de désarçonner le lecteur en tuant ses personnages préférés. Dommage. Dans l'acte final, les faiblesses du début resurgissent: des seconds rôles précédemment intéressants agissent comme des ados trop émotionnels, les rôles féminins sont stéréotypés, et l’écriture manque de style.

Ventus reste une histoire ambitieuse, bien remplie, et sortie des sentiers battus. Il y a quelques chapitres remarquables. La science est plausible, les implications philosophiques de l'intelligence artificielle sentiente, et ses possibles développements, sont de bonnes raisons de lire le roman. Les faiblesses stylistiques sont regrettables, mais cela peut passer, pour un roman unique avec un début et une fin.