Vermilion Sands
7.4
Vermilion Sands

livre de J.G. Ballard (1971)

Entre Red Beach et West Lagoon, Vermilion Sands se détache tel un mirage sur fond de mer ensablée. Lieu de villégiature estivale d'une colonie de riches oisifs, la station balnéaire semble émerger des œuvres conjointes de Salvador Dali et de Frank Lloyd Wright. Comme un rêve éveillé marqué par diverses névroses et une lassitude balnéaire provoquée par des bains de soleil répétés. Un tropisme propice à toutes les déviances et expérimentations artistiques évoluant au gré des fantasmes et de la fortune de ses habitants.

Dans ce creuset où l'extraordinaire paraît banal et l'ordinaire se teinte d'excentricité, il n'est pas rare de croiser des sculpteurs de nuages à l'œuvre sur le bord de l'autoroute, en quête d'un éventuel mécène, ou d'entendre les chants stridents, quasi-hypnotiques, des sculptures soniques proliférant comme du chiendent dans les récifs de sable.
Pour peu que le porte-monnaie suive, on peut y acquérir des fleurs douées pour l'art lyrique et les caprices ou une garde-robe complète confectionnée en biotextile dont l'étoffe vivante chatoie sans cesse au point d'ouvrir les portes de la perception.
Et si l'on souhaite s'enraciner pour un temps, pas de problème. Les demeures à louer abondent, restituant sans rechigner l'humeur changeante de leurs occupants. Un must !

Riches veuves ou héritières, magnats du cinéma et vedettes du septième art, artistes maudits et célébrités adulées par les galeristes, tous ne s'y sont pas trompés. Vermilion Sands est le lieu où il faut se rendre, où il faut être vu.
À la condition de prendre garde aux raies volantes, omniprésentes, dont le fourreau cache un dard venimeux redoutable. À la condition de ne pas succomber aux illusions tissées par quelque femme fatale, à la dérive, ou aux obsessions des dilettantes opulents hantant les lieux.

En dix nouvelles, J.G. Ballard dresse le portrait d'un futur chimérique correspondant à une banlieue exotique de son esprit. Un paysage intérieur empruntant à la fois au rêve, teinté de cauchemar, et à la dramaturgie antique. Une sorte de restitution picturale, symbolique, de son imagination. L'union de Psyché, Éros et Thanatos.
Car Vermilion Sands apparaît bien comme un décor dont l'apparence idyllique masque une nature plus anxiogène. Un décor dont les ors se ternissent et les couleurs gaies se craquèlent. Le reflet d'une période faste en train de s'achever. Une pantomime où les relations d'amitié s'avèrent superficielles et sans lendemain, où l'amour tient davantage de la prédation que de la communion.

Privé de sa volonté, on se laisse porter par les vagabondages des personnages, happé par les dangereuses visions d'un auteur en proie à un spleen contagieux. Et l'on arrive, sans vraiment en comprendre le cheminement, à la seule conclusion possible. Ne pas lire Vermilion Sands serait une faute impardonnable.
leleul
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le 23 mars 2013

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