" Le désir de l'immortalité est si en avant dans l'homme, que lors même qu'il refuse celle que la foi lui promet, il s'en forge une imaginaire, et il met l'illusion à la place de l'espérance. "
Félicité Robert de Lamennais - Les pensées diverses (1854)
Le beau livre de Gabriel Ringlet « Vous me coucherez nu sur la terre nue » dont le titre fait référence aux paroles de Saint François d’Assise : « Lorsque vous me verrez à toute extrémité, vous me coucherez nu sur la terre nue, et vous m’y laisserez encore à mon dernier soupir, le temps nécessaire pour parcourir un mille à pas lents » devrait apporter de nombreuses pistes aux questionnements sur le rôle de la religion aujourd'hui. Cela peut permettre aussi de faciliter la prise de distance avec la haine souvent aveugle de certains athées envers la religion, l’Eglise, le clergé et même plus irrationnellement , envers tout croyant.
Ce récit raconte l’expérience de ce prêtre théologien dans l’ accompagnement spirituel en soins palliatifs notamment auprès de malades ayant demandé l’euthanasie, ce qui est possible depuis 2002 en Belgique où il exerce. Certes, il pense que l’euthanasie est « une transgression, un crime. » pourtant il ajoute « mais que faire face à la douleur spirituelle et morale d’un malade qui demande à en finir ? Ne pas venir à son secours ? Se voiler la face ? Considérer que « ces gens-là » sont perdus ? L’Évangile pose-t-il des frontières indiquant où Jésus ne peut aller ? » . Gabriel Ringlet dépasse ainsi les polémiques vaines et qui ont tendance surtout à affirmer des ego plutôt qu’à penser aux malades en fin de vie ou aux personnes humaines qui affrontent ces moments douloureux. La mort, sa perspective, est l’un des sujets qui touche au plus près de la croyance religieuse. Elle définit le statut qu’on accorde à l’humain et souvent, comme beaucoup de sujets complexes, ceux qui ont une position tranchée révèlent dans les faits le contraire de ce qu’ils prônent. A contrario, ce prêtre qui a été confronté à de très nombreux cas nous rappelle que dénier à l’homme la faculté de juger du moment où ses souffrances, morales et/ou physiques, lui sont devenues insupportables et lui refuser le soutien de l’Eglise, c’est peut-être ne pas le respecter en tant qu’humain.
D’ailleurs, plus on est croyant, plus on peut se dire que ce qui fait l’être humain, ce n’est pas le corps. Diminué, blessé, inerte, incapable d’inter agir avec le monde, le corps ne révèle qu’une chose : c’est qu’il ne fait pas l’homme. Ce ne sont pas non plus les capacités intellectuelles. Des handicapés mentaux profonds peuvent par exemple avoir de belles qualités humaines, établir des rapports affectifs riches avec les autres. Ce n’est même pas l’ensemble des traits qui constituent ce qu’on appelle la personnalité ; celle-ci change tout au long de la vie, se transforme parfois beaucoup et nous continuons à aimer celui que la vie a changé.
Ce qui fait la personne humaine, la tradition lui a trouvé un nom que nous n’utilisons plus beaucoup, et ce nom est : « l’âme ». Or, l’âme persiste par-delà la mort ; c’est, pour le croyant cette petite parcelle d’infini qui se trouve au cœur de l’homme. Et l’âme transcende même la vie dont la fin n’est qu’une étape. Croire en l’âme, c’est croire en l’unicité de la personne humaine, c’est croire que la souffrance et la mort ne sont pas le but ultime et c’est pour cette raison qu’il faut autant que possible tout faire pour atténuer l’une et pour alléger et faciliter l’autre dans le respect de l’humain.
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