Dans la série des ouvrages qui traitent de l'enfance malheureuse dans le Londres du XIXe siècle, Waterloo Necropolis mérite d'être cité. Peut-être sommes-nous beaucoup à connaître l'histoire d'Oliver Twist, ne serait-ce que grâce à l'interprétation que Polanski en fit en 2005, ou encore celle de Jane Eyre dont le personnage fut joué par Charlotte Gainsbourg.
Probablement que nous connaissons moins Smith, roman estampillé "jeunesse" de Léon Garfield, relatant la vie d'un jeune pick-pocket londonien. La littérature sur le sujet de l'enfance malheureuse dans l'Angleterre du XIXe n'est pas rare et qu'il faut que je vous parle du roman de Mary Hooper, lui aussi roman jeunesse, que je conseillerais aux adolescents d'une quinzaine d'années.
Ce roman parle d'un sujet peu commun : la place de la mort au XIXe.
Vous n'êtes peut-être pas sans savoir le lien, que nous jugerions de morbide aujourd'hui, que pouvaient avoir les familles des défunts avec l'au-delà.
Ce n'est pas pour rien que les personnes ayant perdu un être cher souhaitaient garder un immortel souvenir du disparu en le prenant en photographie dans une posture de vivant. C'est à ce rituel post-mortem que le roman de Hooper m'a fait penser. Le roman fait notamment allusion à un train mortuaire qui reliait Londres à un cimetière et sur lequel vous pouvez lire quelques détails là.
L'histoire racontée est celle de Grace et de sa soeur aînée et simple d'esprit. Nous comprenons vite que la survie des deux jeunes filles incombe surtout à la cadette. La pauvreté les poussent à vivre dans une pension insalubre et leur dignité (liée à leur naissance, mais je n'en dis pas plus) les éloigne de l'hospice, préférant lutter plutôt que de demander l'aumône. Elles vivotent de vente de cresson défraîchi et côtoient le Londres "des miracles" où l'on rencontrerait presque un Clopin Trouillefou.
Le roman commence par un deuil que Grace est amenée à faire, mais je me tairai à ce sujet. Lors de l'enterrement de l'être aimé, elle fait plusieurs rencontres, un avocat, et une riche directrice de "Maison de deuil" Mrs Unwin ,qui lui propose de devenir "pleureuse d'enterrement". Choquée par cette macabre proposition, Grace refuse, mais elle sera contrainte de retourner voir cette femme afin d'accepter son offre et d'éviter, à elle et à sa soeur, la honte et la douleur de l'hospice. Une autre intrigue vient se greffer à celle-ci et n'est pas sans lien avec l'origine des jeunes filles dont nous apprenons peu à peu la vie passée.
Évidemment je serais une grosse "spoileuse" si je divulguais les détails ici, je me dois cependant de mettre en garde les jeunes (-et moins jeunes) lecteurs et lectrices qui pourraient être troublés par certains passages du roman puisqu'il est question, bien que pudiquement et finement, de viol. C'est relaté avec beaucoup de distance et de "délicatesse" si tant est que cela soit possible, mais j'imagine que cela peut quand même interpeller certains lecteurs ou lectrices.
Je vous conseille ce roman, c'est une oeuvre agréable à lire, malgré quelques lourdeurs de style que l'on peut attribuer à la traduction.