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Quand on a une idée en tête et que l'on veut la diffuser il ne faut pas lésiner sur les moyens. Depuis (au moins) leur article de 2001 (avec Simon Johnson en plus), "The Colonial Origins of Comparative Development: An Empirical Investigation", Acemoglu et Robinson ont multiplié les travaux soulignant l'importance des institutions dans le succès ou l'échec des économies (et donc dans les inégalités qui existent entre les nations). Avec une thèse finalement assez simple : avoir de bonnes institutions est bon pour votre économie ; en avoir de mauvaises vous coulera tôt ou tard. Why Nations Fail synthétise (de manière non-technique) leurs travaux et propose une grille de lecture de l'histoire économique du monde.


Je ne reviendrai pas sur tous les exemples qui parcourt le livre car ils sont multiples et traitent de tous les continents. Je vais surtout appuyer sur quelques points clés.


De quelles institutions est-il question ? La définition retenue est générale : les institutions sont les règles qui influencent la manière dont une économie fonctionne et les incitations qui motivent les individus. (Pour une approche des institutions plus proche du "terrain" voir Banerjee et Duflo, 2012, Repenser la pauvreté.)


A partir de là si les pays développés sont développés et riches c’est parce qu’ils possèdent des institutions inclusives qui favorisent l’accumulation du capital, la prise de risque, l’innovation. Ces institutions sont respectueuses de la propriété privée, reposent sur un système juridique impartial et sur des services publics qui fournissent aux individus l’opportunité d’échanger et de passer des contrats.


De leur côté, les pays pauvres sont pauvres car ils possèdent des institutions extractives : les élites politiques organisent la société à leur profit et aux dépens de la grande majorité des individus. Les groupes au pouvoir mettent en place des règles qui leur permettent d’accaparer les richesses produites. Les habitants ne sont donc pas incités à innover. Un tel système peut générer de la croissance (l'URSS) mais cette dernière sera temporaire car sans innovation, sans destruction créatrice, l'économie est condamnée. D'où le fait que pour Acemoglu et Robinson la Chine devra se réformer si elle ne veut pas connaître quelques soucis.


Cette distinction entre institutions inclusives et extractives sert de fil rouge pour les chapitres qui organisent le livre. Tout est fait pour nous ramener toujours au même point : les institutions comptent et expliquent ce qui se passe dans les succès et les échecs. Les théories alternatives (le rôle de la géographie, de la culture, de l'ignorance des dirigeants...) sont balayées en un chapitre... qui n'est pas le plus convaincant (la Nouvelle Economie Géographique possède des arguments qui me semblent pertinents).


Quand on a un marteau, tous nos problèmes ressemblent à des clous : ce propos que l'on retrouve pour critiquer Thomas Piketty ou d'autres peut être évoqué ici. A tout lire avec les lunettes des institutions les auteurs proposent un modèle très simple mais dont le réductionnisme fera bondir nombre de personnes. Surtout, l'interprétation des faits historiques rapportés suscite et suscitera beaucoup de débats. Je ne suis pas historien mais leur lecture de la Glorieuse Révolution en Angleterre si elle est en phase avec les travaux d'un Douglass North est sérieusement contestée par un historien comme Robert Allen ou Gregory Clark. Point de retour sur eux ni de discussions approfondies de voix dissidentes ce qui est dommage quand, par ailleurs, l'ouvrage regorge d'informations factuelles qui ne sont pas fondamentales pour le propos.


Why Nations Fail est un ouvrage très stimulant, dont le propos doit faire réagir, susciter le débat, la discussion.


PS : les auteurs ont tenu un blog lié au livre, il se trouve ici.

Anvil
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le 27 déc. 2015

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