A la fin du XXe siècle, l’Humanité a construit le macroscope, un gigantesque cristal inséré dans une station spatiale en orbite autour du Soleil. Ce cristal permet de capter un nouveau type de particules, les macrons (oui…), créées par les ondes gravitationnelles et permettant ainsi une observation à la résolution infinie de tous les points de l’espace-temps. Les scientifiques parviennent ainsi à observer des races extraterrestres intelligentes, mais qui semblent éteintes ou sur le déclin. Parmi tous les signaux envoyés par les civilisations galactiques que le macroscope peut capter, il y en a un qui couvre tous les autres. Ce signal ne peut être compris que par les personnes avec un très haut QI, et il a pour effet de rendre ces personnes folles et impotentes. Il s’appelle le Destructeur, et il va falloir trouver un moyen de le contourner pour accéder au savoir galactique…
Zodiacal est un véritable kaléidoscope, forme narrative typique de son époque (fin des années ’60, début des années ’70). Ça en fait une oeuvre exceptionnellement riche mais aussi très difficile à aborder, pour laquelle l’expression avoir les qualités de ses défauts semble avoir été inventée.
Ses qualités, tout d’abord. L’auteur aborde un nombre effarant de thèmes dans son roman : le voyage interstellaire et intergalactique, les relations entre les genres, les races et les espèces, l’histoire de la galaxie, l’évolution de l’espèce humaine, son degré de maturité et de sagesse, l’astronomie en mode hard science et space opera, l’astrologie et le symbolisme, la schizophrénie et les personnalités multiples, le principe de dualité et de complémentarité (décliné sur au moins dix modes différents), l’eugénisme et le QI, l’enseignement, mais aussi la vie et les poèmes de l’auteur américain Sydney Lanier et l’antiquité phénicienne. On en oublie probablement. Les personnages sont tous extrêmement détaillés, même s’il s’avère finalement qu’ils correspondent tous à une espèce d’archétype symbolique différent. Comme le roman est d’une taille conséquente, certains thèmes sont abordés de manière très détaillée et en profondeur. On est donc face à une richesse déconcertante.
Et c’est bien là que se situe le problème, quand le beaucoup devient trop, que la richesse d’un plat provoque l’indigestion. Car le kaléidoscope est tout sauf confortable quand vous souhaitez distinguer les couleurs. Ici, tout se mélange, et sans signe avant-coureur. Au détour d’une ligne, vous basculez dans un univers totalement différent, quand ce ne sont pas les personnages qui se mettent tout à coup à agir de manière irrationnelle. Dans le meilleur des cas, ça ressemble à un épisode de Twilight Zone, dans le pire des cas ça ferait passer *Alice au Pays des Merveille*s pour un traité de logique mathématique. On passe au milieu d’une phrase d’un vaisseau spatial en voyage dans la galaxie à l’antique cité de Tyr plusieurs siècles avant JC. Heureusement, on ne sombre jamais dans la délire total, tout est toujours expliqué, même s’il faut parfois attendre quelques dizaines de pages. Mais on a connu de meilleurs moments littéraires que cette sensation de basculer tout à coup dans une scène érotico-symbolique qui semble tirée d’une série B de Jean Rollin. Pour clôturer en beauté, le dernier quart du livre est essentiellement constitué d’un combat symbolique basé sur l’astrologie et la psyché des cinq personnages principaux. Ca n’est pas inintéressant, c’est même de la bonne littérature, mais il faut vraiment s’accrocher.
Zodiacal a été nominé pour le prix Hugo du meilleur roman en 1970. Ce n’est ni un roman de space opera, ni de la hard science, ni un livre sur l’astrologie, ni de la politique fiction, c’est tout ça et d’autres choses à la fois. C’est une lecture riche mais difficile.
Le roman n’a été édité qu’une seule fois en langue française, aux éditions Opta, dans la collection « Anti-mondes », en 1975. Il n’est plus disponible que dans cette édition en occasion car il n’a jamais été ré-édité en poche ni dans aucune autre collection en langue française. Piers Anthony est un auteur méconnu en francophonie, et seule une petite partie de ses romans ont été traduits.
Piers Anthony : Zodiacal – 1969
Originalité : 4/5. Elle réside ici surtout dans la combinaison de thèmes extrêmement nombreux et différents, et dans la témérité de l’auteur qui ose certains transitions d’une brutalité qui ne ménage pas le confort du lecteur.
Lisibilité : 1/5. Comme l’a écrit l’auteur et critique Jean-Pierre Andrevon , Zodiacal a la double consistance béton armé/caoutchouc : il est difficile d’y accéder, et il a tendance à vous repousser une fois qu’on y est entré.
Diversité : 5/5. On a parfois le sentiment que l’auteur a décidé de fondre en un roman dix ou quinze nouvelles écrites sur des sujets totalement différents, et il y perd en lisibilité ce qu’il y gagne en diversité (ou inversement).
Modernité : 2/5. La forme et le style fleurent bon son époque, mais certains thèmes gardent une portée universelle, et certains concepts liés aux communications et au voyage intergalactiques ont été repris plus tard par de nombreux auteurs.
Cohérence : 2/5. L’auteur est miraculeusement parvenu à conserver une unité d’ensemble à cette histoire, et c’est en soi un vrai tour de force. Mais certains passages paraissent très très longs et l’épilogue laisse nettement le lecteur sur sa faim.
Moyenne : 5,6/10.
A conseiller si l’astrologie vous intéresse, ou si un space op hard science un peu délirant ne vous effraye pas, et si vous avez du temps devant vous (dans un format poche, ce roman ferait dans les 600 pages). Par contre, si vous cherchez un livre à l’histoire linéaire et à la lecture facile, veillez à respecter une distance de sécurité d’au moins un parsec entre vous et Zodiacal.
https://olidupsite.wordpress.com/2019/02/07/zodiacal-anthony-piers/