La collection Rivages/noir n'est jamais loin de mon collimateur. Son répertoire ahurissant permet de mesurer l'amour inconditionnel que son créateur François Guérif porte au genre. Il a même eu l'idée de lancer une nouvelle catégorie, les iconiques. Le concept peut autant s'adapter aux connaisseurs qu'aux néophytes puisqu'il s'agit d'aborder tel auteur avec un opus qui tranche avec son corpus. Initiative des plus appréciables même si dans le cas de Marc Behm elle est un peu plus difficile à tenir, car l'auteur est lui-même un peu "autre". J'avais lu La Reine de la nuit il y a quelques temps et j'avais été frappé par sa plume bien aiguisée qu'il couchait sur un récit invraisemblable, bizarroïde volontiers sulfureux. Eh bien pourquoi ne pas compléter la découverte avec la réédition d'À côté de la plaque, sélectionné par Guérif lui-même pour que le curieux ne passe pas à côté de l'iconoclaste Behm. C'est bien le mot, iconoclaste, et en prime un titre parfait pour qualifier notre "héros du jour" Patrick Nelson. Un gérant de garage automobile qui passe ses journées à ne rien faire si ce n'est rêver. Quand un serial-killer attire l'attention de la police et d'une enquêtrice particulièrement à son goût, Nelson se dit qu'il pourrait peut-être la séduire...en se faisant passer pour le tueur. C'est complètement stupide et insensé mais il faut reconnaitre que ça donne lieu à une série d'évènements plutôt amusants.


Nelson, c'est un peu le cousin de C. Card, le détective incapable et distrait d'Un Privé à Babylone de Brautigan. Le genre de type qu'on aime suivre alors que lui-même ne sait pas où il met les pieds. Ce qui est sûr, c'est qu'ils touchent rarement le sol. Le roman a deux fils narratifs. Le premier est celui de l'amoureux Nelson, raconté en focalisation zéro (donc un conteur extérieur), et le deuxième est un récit raconté par Nelson lui-même qui se met en scène en aventurier à la recherche d'une cité légendaire d'Afrique. C'est peu dire que les fantasmes de Nelson sont délirants avec sa ribambelle de clichés sur le continent africain, ses espèces inconnues au bataillon et de confrontations qui auraient toute leur place dans un livre d'heroïc-fantasy. Comme si cette affabulation était l'œuvre d'un adolescent. Curieusement, on apprend dès l'ouverture que Nelson a perdu ses parents jeunes et n'a visiblement jamais comblé ce manque. Un détail mais il y en a d'autres disséminés dans ses fantasmes, dont l'intérêt n'est pas évident de prime abord, mais qui prennent du sens alors qu'on avance dans les chapitres. Je retrouve le ton débridé et ce détournement des figures imposées qui étaient déjà là sur La Reine de la Nuit. Ce roman-ci est un peu plus cadré si l'on peut dire, et il se permet même une sortie étonnante de sécheresse.



ConFuCkamuS
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il y a 3 jours

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