A la ligne est un recueil de poèmes narratif écrit par Joseph Ponthus
C'est comme de la poésie mais ça raconte une histoire
Presque toujours la même
Celle d'un type qui bosse sans relâche pour se payer le loyer l'électricité la nourriture la nourriture du chien
Il faut bien le faire
Alors il le fait
Chaque jour
Sans relâche
Dans les entrepôts trop froids où on conserve le poisson
Dans les abattoirs trop chauds où les vaches s'agitent avant la mort
Et malgré ça
Son regard est bienveillant
Il n'est pas dégoûté juste lucide
Il accepte sa condition pour mieux lutter
Il tient bon
Il se bat avec son corps et sa tête
Il se fait des poèmes des jeux de mots des listes à la Prévert
Il se rappelle des écrivains des philosophes des romanciers
Et il tient bon
Le livre se lit bien
Le découpage en courts chapitres bat la mesure
Les paragraphes indiquent la cadence
Les anecdotes de travail sont autant de mélodies
Le livre est une grande chanson
Le genre de chanson qu'on chante à l'usine pour se donner du courage pour se remettre le coeur à l'ouvrage comme dirait Henri Salvador
C'est quand même sacrément beau des fois
Ces efforts surhumains pour ne pas se laisser bouffer par un quotidien machinal
Pour pas se laisser aspirer par la machine
Pour pas devenir une machine soi-même
Ce monde caché et vertigineux des petits boulots de l'alimentaire
Avec ses codes sa hiérarchie sa philosophie productiviste sa fragmentation extrême du travail qui touche à l'absurde
Ces petits plaisirs une fois à la maison qui prennent toute leur saveur
Ces phrases en suspension dont on ne sait jamais vraiment quand elles vont retomber
Ces réflexions si humaines et si touchantes
Ces chutes habilement amenées
Alors certes
C'est monotone
C'est toujours un peu la même chose
C'est ennuyeux des fois
Mais c'est justifié
Comment faire ressentir autrement la monotonie la résignation la lutte du quotidien
C'est une lutte sur le temps long dont les poèmes ne sont déjà qu'un condensé
A lire
Par amour de la poésie
Par goût des lettres
Par solidarité avec ceux qui travaillent à s'en briser le corps
A la chaîne
A la ligne