Quand mon boucher me demande : « Il y en a un peu plus, je vous le mets ? » je lui réponds oui ou non.
Quand un romancier me propose 727 pages, j’ai moins le choix mais je sais, par expérience, qu’il y en aura environ 150 de trop. Même si c’est Deon Meyer.
« A la trace » est un roman qui se découpe en quatre livres mais raconte trois histoires qui semblent différentes mais qui, fatalement, n’en formeront plus qu’une à la fin.
Il y a Milla, la très naïve et effacée informatrice aux Services de Renseignements Sud Africains alors qu’un groupuscule islamiste s’agite discrètement (elle aura droit à deux livres)
Il y a Lemmer, déjà bien connu des lecteurs de Meyer, baroudeur et garde du corps, chargé de convoyer deux rhinocéros dans une réserve naturelle, flanqué de la belle et mystérieuse vétérinaire Fléa.
Il y a Mat Joubert, tout aussi connu des lecteurs de Meyer, flic dépressif et solitaire, nouvellement employé par une agence privée de détectives chargée d’élucider la disparition d’un homme sans histoire.
Et il y a Deon Meyer qui se lance dans une épopée échevelée combinant espionnage, thriller, éco-roman, polar, voire satire politique et il tisse sur le tout une trame mêlant (emmêlant ?) l’islamisme, le terrorisme, la protection animale, le trafic d’arme et de diamants, l’espionnage politique et la condition féminine. Rien de moins !
Vouloir rassembler tous les maux d’un Etat en un condensé, certes épais, ne peut conduire qu’à un récit souvent chaotique. Et c’est trop souvent le cas. Entre les trois intrigues contenues dans une structure narrative simple mais maintenues entre elles par un ciment trop fin, l’auteur change souvent de rythme comme s’il s’essoufflait parfois sous sa propre narration.
Mais Meyer sait écrire. Il sait raconter une histoire et ses personnages, loin d’être des caricatures, sont crédibles et humains. Reste donc un bon roman parce qu’il traite de problèmes universels mais qui se déroulent dans un pays qui reste mystérieux et envoûtant.
A savourer, les entêtes du livre 2 tirées de « The Art of Tracking » dont certaines sont sibyllines : "Les naturalistes enthousiastes qui passent beaucoup de temps sur le terrain risquent tôt ou tard de se faire piquer, surtout s’ils essaient de traquer des serpents »
« J’ai 150 pages de trop, je vous les mets ? » D’accord.